Des ONGs dont Wecf France ont envoyé une lettre à la Commission européenne concernant le projet de définition des « nanomatériaux ». La définition proposée serait plus restrictive et ne prendrait pas en compte l’ensemble des nanomatériaux. Les ONGs appellent à une définition plus précise et plus englobante pour permettre la protection de la santé et de l’environnement.
La définition européenne floue des nanomatériaux
« Nanomatériau: Matériau formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou d’agglomérat dont au moins 50% dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 et 100 nanomètres ». En d’autres termes, on appelle nanomatériau, la réunion de différents composés de la taille du nanomètre et à partir de l’instant où ces composés représentent au moins la moitié du matériau.
Cette définition a été donnée par la Commission européenne dans un recommandation de 2011. Cette définition d’une part est floue et laisse donc une grande place à l’interprétation. D’autre part, la définition est accompagnée de dérogations et d’exceptions. Ces dernières s’ajoutent aux interprétations multiples qui peuvent être faites. En effet, le seuil de 50% peut être revu à la baisse quand les circonstances le justifient. En plus, certaines substances appartiennent à la définition bien qu’elles soient inférieures à 1 nm (voir l’article de WECF Nanomatériaux en quête de définition). Enfin la forme de « recommandation » du texte n’est pas juridiquement contraignante. Cette définition n’est donc obligatoire ni pour les différentes définitions à travers les secteurs (cosmétiques, alimentaires, pesticides etc…), ni à travers les différents Etats membres de l’Union européenne ! Or, l’objectif de la définition unique est de garantir la protection de la santé et de l’environnement des risques liés aux nanomatériaux.
Une proposition de révision insatisfaisante
Le but de la révision est donc d’avoir une définition plus claire des nanomatériaux et dans la perspective de pouvoir l’appliquer aux différents secteurs: cosmétiques, produits pesticides et biocides, médical, alimentation, BTP, etc…(voir notre article Nanotechnologies: usages et questionnements sur les impacts sur la santé & l’environnement).
Cette nouvelle définition permettrait d’harmoniser les secteurs et donc éviter des interprétations divergentes, qui portent une atteinte à la protection de la santé-environnement. En l’état actuel, nombreux sont les produits destinés à la consommation, comme les cosmétiques, qui ne respectent pas les obligations d’étiquetage. Par exemple, sur ce type de produits, le nanomatériau présent doit être suivi du suffixe « nano ». Or, cette obligation n’est pas toujours respectée. Nous l’avons constaté dans notre rapport « Cosmétiques féminins: trop de substances problématiques » l’an passé.
La proposition faite par la Commission lors de sa consultation publique de juin 2021 est loin de remplir les objectifs. En effet, la Commission a fait la proposition de supprimer et de modifier certains mots et définitions qui ajoute en réalité de l’imprécision et des exceptions qui n’existaient pas auparavant. Par exemple, la nouvelle définition ajoute comme critère que les nanomatériaux soient des « solides ». Cette précision n’existait pas auparavant, et cet ajout pourrait exclure certaines nanomatériaux émergents, tels que les micelles ou les émulsions. Par ailleurs, cela demanderait une définition plus précise de l’état « solide », contrairement aux objectifs de simplification poursuivi par la révision. Selon la contribution de l’ANSES, ceci n’est qu’un premier exemple du manque de rigueur scientifique de cette révision.
Les éléments d’une définition plus protectrice de la santé et de l’environnement
L’ONG AVICENN soutenue par d’autres ONG dont Wecf France a interpellé la Commission sur les lacunes de cette proposition de révision. La demande porte tout d’abord sur un processus de révision plus transparent avec des échanges entre les différents acteurs et la consultation d’avis scientifiques. Ceci permettrait d’avoir une définition plus précise et basée sur des connaissances scientifiques solides. Il est donc crucial que tous les acteurs soient impliqués pour avoir une définition cohérente. La gouvernance des nanotechnologies fait actuellement l’objet de plusieurs projets européens dans le cadre Horizon 2020 dont Nanorigo, dans lequel Wecf France est une partenaire active.
Par ailleurs, les études se multiplient sur les nanomatériaux ( en France par exemple ou au niveau européen), montrant que la valeur seuil du mélange fixée à 50%, est trop haute et ne protège donc pas suffisamment la santé et l’environnement. En d’autres termes, trop de substances échappent à la définition des nanomatériaux alors que l’absence de risques est loin d’être démontrée. La Commission devrait donc revoir sa copie, si elle veut être en cohérence avec sa Stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques !
Lettre ouverte à la Commission européenne sur la définition des nanomatériaux [EN] en PDF