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REACH: dites A comme Autorisation – le cas du phtalate DBP

REACH: dites A comme Autorisation – le cas du phtalate DBP

La terminologie prête à confusion: quand interdiction rime avec autorisation. Selon REACH, le règlement européen sur les produits chimiques, il existe des substances extrêmement préoccupantes (pour la santé et/ou l’environnement): elles sont classées cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR), (très) persistantes, (très) bioaccumulables, (vPvB ou PBT) toxiques, perturbateurs endocriniens notamment. Ces substances sont donc soumises à autorisation – comprenez en principe interdites sauf sur autorisation spécifique: vous suivez? Il y a actuellement 31 substances soumises à autorisation. Alors que le règlement REACH rentre dans sa phase de mise en œuvre sur le terrain du régime de l’autorisation, les industriels qui le souhaitent font donc des demandes pour bénéficier d’une dérogation à l’interdiction.

A comme Autorisation selon REACH

Ainsi va l’autorisation: nous pouvons nous réjouir de voir que les 28 Etats membres de l’Union européenne identifient au fur et à mesure des substances/produits à placer sur la liste « Autorisation » – ils les sélectionnent au sein de la liste candidate au classement « Autorisation » – ils sont 31 à ce jour. La liste candidate s’élève à plus de 120 substances à ce jour, les candidats sont donc nombreux. Mais une fois inscrite, la substance peut faire l’objet de demandes d’usages dérogatoires par les industriels, fabricants ou utilisateurs: ces demandes doivent être validées ou non par les Etats membres, les commissions techniques et la Commission européenne. C’est le cas du DBP – le deuxième phtalate, après le DEHP cet été – sur la liste des 31 à bénéficier de la part des Etats de l’UE d’une autorisation d’usage en dérogation de l’interdiction de principe.

Le DBP: un phtalate interdit… autorisé pour certains usages

Le DBP est un phtalate – plastifiant – classé reprotoxique 1B selon la loi européenne. Une commission vient donc d’autoriser son usage comme solvant par un fabricant d’anhydride maléique pendant 12 ans supplémentaires. Vous avez bien lu: 12 ans de dérogation. Une durée au moins aussi longue que le temps qu’il faut pour inscrire une substance dangereuse sur une liste dangereuse. La Commission européenne justifie cette décision entre autres par « Les efforts du demandeur pour rechercher des substances alternatives pour le remplacer [et] le temps nécessaire à identifier et mettre en œuvre ces alternatives« . Le tempo du marché primerait-il sur le tempo de la santé ? Autre justification évoquée: « La période d’examen recommandée prend également en compte le fait que une transition immédiate vers une technologie alternative après la date d’interdiction (dite Sunset) serait une charge financière substantielle pour le demandeur et aurait des conséquences sur la chaine d’approvisionnement » ça ne s’invente pas! A la trappe les coûts liés aux effets sanitaires et environnementaux!
L’ECHA – Agence européenne des produits chimiques – a recommandé que la Commission autorise également le DBP dans 2 autres usages: la fabrication d’armement et la production industrielle de condensateurs.

« La chimie c’est la vie »… mais pas toujours

En tant que juriste qui travaille pour que des lois servent l’intérêt général à long terme – ici la protection de la santé publique et de l’environnement – plutôt que les intérêts particuliers à court terme – on ne peut qu’être dépité de cette situation: une raison supplémentaire pour continuer de votre côté à soutenir les ONG et les groupes qui s’engagent pour défendre la voix des citoyens, des consommateurs et plus largement favoriser une transition vers un monde où l’adage « la chimie c’est la vie » pourrait prendre tout son sens. Manifestement, cent ans après la guerre de 14-18 qui a vu se développer les premiers armements chimiques, le chemin à parcourir reste long.

Elisabeth Ruffinengo