L’ ANSES vient de publier un rapport sur les moisissures dans les bâtiments et leurs impacts sur la santé. En effet, les moisissures sont une source importante de pollution de l’air intérieur. L’ANSES dresse un constat qui l’amène à faire des recommandations pour améliorer la lutte contre le développement des moisissures, qui sont en particulier néfastes pour les populations les plus fragiles. Entre 14 et 20% des logements en France présentent des moisissures visibles.
Vous avez dit « moisissures »?
Les moisissures sont des taches qui apparaissent entre autres sur les aliments ou dans l’habitat et correspondent au développement de champignons microscopiques. Pour cela, il leur faut des conditions favorables: humidité (des cloisons, de la matière isolante, des faux plafonds notamment. Les espèces de champignons qui se développent peuvent être très variées (jusqu’à plusieurs millions). Les moisissures libèrent des structures de reproduction, les spores, qu’on retrouve en suspension dans l’air et qui sont ainsi dispersées. Les moisissures peuvent aussi synthétiser des substances chimiques (mycotoxines ou composés organiques volatils microbiens) qui seront contenues dans les spores ou libérées dans l’air.
En France, le parc des logements est vieillissant: près de 34% des logements a été construit entre 1950 et 1973, tandis que 55% des maisons individuelles n’ont pas été réhabilitées durant les 20 dernières années.
L’impact sanitaire des moisissures: quel constat?
Le rapport permet de confirmer des effets sur la santé liés aux moisissures:
- développement de l’asthme de l’enfant, particulièrement le jeune enfant,
- aggravation des symptômes respiratoires liés à l’exposition au champignon Penicilium,
- incidence de l’asthme chez l’adulte exposé sur son lieu de travail. On remarquera que ces données sont issues de Finlande, pays qui a reconnu l’asthme chez l’adulte exposé sur son lieu de travail à l’humidité et aux moisissures comme maladie professionnelle,
- augmentation du risque de rhinite allergique,
- effets neurologiques, précisément une altération de la fonction cognitive en cas d’exposition longue durée – supérieure à 2 ans – des enfants dès la petite enfance
- développement ou exacerbation des allergies respiratoires
Les études chez l’animal montrent également le rôle des réponses inflammatoires dans l’induction d’effets respiratoires, l’importance du statut sensibilisé/non sensibilisé dans la réponse inflammatoire, des effets cytotoxiques (toxiques pour les cellules) liés à l’exposition à des métabolites fongiques.
Egalement, il est à noter une susceptibilité accrue de certains groupes; enfants dès leur naissance, enfants et adultes asthmatiques, individus prédisposés à développer plus facilement des allergies (atopiques) ou présentant une hypersensibilité, patients immunodéprimés ou atteints de pathologies respiratoires chroniques. Enfin, les populations potentiellement surexposées du fait de caractéristiques socio-économiques défavorables sont également plus concernés, notamment en cas de précarité énergétique ou de sur-occupation du logement.
Les nourrissons et les enfants: un groupe à risque
Les nourrissons et enfants sont plus sensibles aux moisissures, pour différentes raisons:
- immaturité de leur système immunitaire
- taux de ventilation par unité de masse corporelle plus élevé que l’adulte
- leurs poumons sont en pleine croissance, et ils seraient donc plus sensibles à l’inhalation de mycotoxines
Moisissures: quel cadre réglementaire en France et à l’étranger?
Les pays nordiques sont en avance par rapport à d’autres, comme souvent en matière de santé environnementale. En Suède, le contrôle de la ventilation du logement est obligatoire tous les 3 ans depuis 2006, et il est prévu de mettre en place une inspection et une déclaration sur le niveau d’humidité et la présence de moisissures lors des transactions immobilières.
Au niveau des « valeurs-guides », une concentration dans l’air intérieur de 1000 UFC/m3 est considérée anormale et nécessite une investigation.
En France, il n’existe pas d’exigence spécifique, mais plutôt une gestion globale. Dans le cadre de la lutte contre l’habitat insalubre, 3 types d’acteurs interviennent pour une inspection visuelle: ARS (Agence Régionale de Santé), service communal d’hygiène et santé ou CEI (conseiller environnement intérieur). On constate que les compétences des professionnels chargés d’évaluer la contamination fongique dans l’habitat sont hétérogènes ou insuffisantes.
Les recommandations de l’Agence
Afin de prévenir le développement des moisissures, l’ANSES recommande de :
- renforcer la coordination entre les acteurs des secteurs concernés (construction, énergie, etc.) et les autorités et acteurs publics. Par exemple, la formation des professionnels impliqués – ingénieurs, architectes, bureaux techniques, entreprises, artisans – à la problématique es moisissures est indispensable.
- améliorer l’information des occupants des logements
- faire évoluer la réglementation pour une meilleure prise en compte du risque lié à l’exposition aux moisissures dans les logements. Par exemple, obligation de contrôle périodique de l’efficacité de la ventilation, compléter l’étiquetage des matériaux de construction pour connaître leur vulnérabilité face au développement des moisissures- en étant prudent face à l’usage de produits biocides (antifongiques) par les industriels, aides financières pour la réalisation de travaux d’isolation, etc.
En savoir plus (site internet de l’ANSES):