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Produits chimiques : virage « vert » pour la nouvelle stratégie européenne

Produits chimiques : virage « vert » pour la nouvelle stratégie européenne La Commission européenne publie ce 14 octobre une nouvelle Stratégie produits chimiques pour l'Union européenne, axée sur la durabilité, le verdissement et un environnement non toxique. Décryptage

Des produits chimiques omniprésents dans nos vies

L’UE, comme bien d’autres sociétés contemporaines, est ultra-dépendante des produits chimiques, y compris dangereux:

  • L’UE est le second plus gros producteur de produits chimiques mondial. La production se déplace cependant vers l’Asie notamment et d’autres pays, moins regardants au niveau environnemental.
  • 84% des Européens s’inquiètent des impacts des substances chimiques présentes dans les produits du quotidien sur leur santé. 90% redoutent des conséquences pour l’environnement.
  • 75% des produits chimiques produits dans l’UE sont classés dangereux pour la santé, tandis que 30% sont dangereux pour l’environnement (source : Eurostat).
  • En 2018, dans l’UE, l’usage de produits chimiques dangereux pour la santé a augmenté de 5 millions de tonnes.
  • 40 réglementations européennes traitent directement ou non des produits chimiques : règlement REACH, pesticides, biocides, cosmétiques, sécurité des jouets, etc.

La transition sera « verte et digitale » ou ne sera pas !

En juin dernier, nous avons formulé 10 propositions pour la nouvelle Stratégie produits chimiques de l’UE.

La grande majorité du contenu de cette Stratégie est très satisfaisante. Elle fait écho à des propositions que nous portons avec d’autres ONG depuis des années. Maintenant, place aux actes !

estime Elisabeth Ruffinengo, responsable plaidoyer Wecf France

La Commission européenne annonce aujourd’hui son projet de transition verte et digitale, axée sur la neutralité climatique (comprenez les baisses d’émissions de CO2), la digitalisation (mais n’est-elle pas consommatrice de produits chimiques et d’énergie?) et l’économie circulaire (cercle vertueux?).

Covid-19 oblige, s’y ajoute une dimension de résilience, le terme à la mode, pour par exemple une autonomie en matière d’approvisionnement stratégique de produits chimiques essentiels pour la santé.

De A à Z: zoom sur quelques annonces-clés

« Safe by design » : conçu pour être sûr

La Commission ambitionne des produits chimiques « sûrs et durables de par leur conception ». L’anglicisme « safe by design » est une mode récente, qui envahit les discussions. Au vu des chiffres ci-dessus, la tâche sera ardue ! Elle recoupe en réalité par exemple la substitution des substances et produits dangereux, déjà prévue par le règlement européen REACH par exemple. La Commission prévoit de renforcer cette dimension, qui n’est à vrai dire pas présente aujourd’hui.

« Matériaux recyclés non toxiques » : un recyclage plus qualitatif

Recycler c’est bien, mais recycler des substances toxiques, c’est non! Le terme rejoint une demande déjà formulée de longue date par de nombreuses ONG, et que la Commission européenne semble s’approprier : qui dit recyclage aujourd’hui ne dit pas non-toxique. Et pour cause, comment faire disparaître des substances toxiques d’un matériau constitué de divers matériaux contaminés. Il y a quelques jours, un rapport montrait à nouveau que les plastiques contiennent par exemple de nombreux additifs toxiques: par quel miracle opérer un « recyclage non toxique » dans ce cas?

« Production industrielle innovante » : plus « propre » et plus digitale

Ah! L’innovation ! Sans elle, point de salut! La Commission européenne le sait, et elle en fait un point central de sa stratégie: le digital est au centre du projet, ainsi que les « matériaux avancés », et la formation des professionnels pour développer de nouvelles compétences.

Un bémol cependant: les risques pour la santé ou l’environnement liés à l’internet des objets ou aux matériaux dits « intelligents » ne sont pas évoqués du tout. Pourtant, l’exposition accrue aux radiofréquences et l’usage des nanomatériaux sont deux préoccupations légitimes de santé publique. Idem pour les conséquences de la digitalisation sur la consommation énergétique, électrique et l’exploitation des matières premières.

déplore Elisabeth Ruffinengo.

« Autonomie » : retrouver une souveraineté face à la crise Covid

Les enjeux géopolitiques sont aussi au cœur de la stratégie. L’UE doit pouvoir avoir les substances chimiques nécessaires par exemple à certains médicaments, indispensables face à des crises sanitaires. La Commission veut réduire la dépendance de l’UE, et favoriser une collaboration interrégionale. A suivre !

« Santé et environnement » : mieux protéger, enfin ?

La Commission s’engage sur plusieurs actions:

  • Elargir le spectre des substances dangereuses soumises à l’approche de gestion des risques dans les produits de consommation : cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques, persistants, bioaccumulables, mais aussi immunotoxiques, neurotoxiques, mis en cause dans les troubles respiratoires ou toxiques pour un organe spécifique.
  • Appliquer à tous les articles de puériculture les mêmes règles protectrices que pour les jouets.
  • Préciser la notion d' »usage essentiel » qui justifie l’usage de produits dangereux pour certaines applications.
  • Aligner la protection des professionnels sur celle des consommateurs (REACH).
  • Mieux protéger des perturbateurs endocriniens: interdire les PE dans les produits de consommation, assurer que les autorités disposent des informations nécessaires pour identifier ces PE, et plusieurs autres points sont évoqués.
  • Prendre en compte les effets des mélanges de substances.
  • Mieux prendre en compte les impacts des pollutions chimiques sur les écosystèmes : impact des pollutions par les médicaments sur les écosystèmes, soutien aux solutions de décontamination, etc.
  • Perfluorés: interdiction dans les mousses anti-feu et autres usages sauf « essentiels », substitution, remédiation des sites contaminés… les « produits chimiques éternels » sont clairement ciblés par la Commission. Excellente nouvelle !

La Commission européenne s’engage enfin sur des aspects plus techniques, que nous mentionnerons brièvement : 1 substance = 1 évaluation, transparence, gouvernance de l’Agence européenne des produits chimiques, travail de fond sur les méthodologies et les données, tolérance zéro en cas de violation des réglementations chimiques, disponibilité des données, interface entre la science et la politique, dimension internationale.