Skip to main content
Santé-environnement

4ème Plan National Santé Environnement (PNSE) : sous le plan « chapeau »… la coquille vide !

4ème Plan National Santé Environnement (PNSE) : sous le plan « chapeau »… la coquille vide ! Enfin : après des mois de travaux et un retard de plus d’un an, le 4ème Plan National Santé Environnement (PNSE 4) vient d’être mis en consultation publique. A juste titre, il souligne la « préoccupation croissante » des citoyens face à l’impact des pollutions environnementales sur leur santé. Pour autant, que propose t-il ? Pas grand-chose ! Il ne fixe pas d'objectifs politiques à atteindre en matière de réduction des expositions environnementales néfastes pour la santé. Pire : aucun indicateur de résultat, ni moyens budgétaires associés aux actions, ni engagements contraignants et collectifs. Il fait porter l’entière responsabilité de la santé sur l’individu! Wecf France, qui participe depuis 12 ans au suivi des PNSE, et a formulé à de nombreuses reprises des propositions concrètes pour le PNSE 4, demande que ce Plan soit entièrement revu, pour répondre à l'urgence de santé environnementale et également à la crise sanitaire actuelle.

Si vous souhaitez donner votre avis, et reprendre certains de nos arguments, participez à la consultation publique sur le PNSE 4, ouverte en ligne jusqu’au 6 décembre. A noter: toujours faire une contribution personnelle. Ne pas copier-coller des propositions, puisqu’elles seront considérées comme nulles.

Un plan coquille vide

Wecf France travaille sur le sujet des PNSE depuis sa création en 2008, et a pu s’impliquer dans PNSE 2 et 3. Il est loin le bon temps du PNSE 2 avec ses fiches thématiques, indication de pilotes, partenaires et outils, son calendrier et cerise sur le gâteau son budget associé ! Nous sommes donc particulièrement amères face à ce nouveau plan.

Aucun objectif de réduction des expositions à la source

Comment atteindre des objectifs si vous n’en fixez pas? En effet, le PNSE 4 ne fixe aucun objectif de résultat a fortiori chiffré en matière de réduction des expositions environnementales néfastes, du nombre de pathologies ou des coûts associés aux pollutions environnementales. Pas d’objectifs chiffrés, sauf de rares mentions d’obligations de moyens. Le PNSE 4 ne mentionne que des indicateurs, mais indicateurs de moyens et non pas de résultats.

On ne peut également que regretter l’absence de mesures de réduction des expositions à la source. Le PNSE 4 propose seulement de mesurer les polluants, étiqueter, sensibiliser, informer, mais pas réduire les pollutions à la source ! Voilà qui est très insuffisant pour réduire le nombre de cas de nombreuses maladies. Cancers, malformations à la naissance, diabète, obésité, troubles du comportement, etc. ne cessent en effet de se multiplier.

Ni gouvernance ni moyens

C’est peut-être le plus grave pour ce PNSE 4 : il n’organise pas sa gouvernance, et n’énonce aucun moyen pour mener à bien ses actions. Jusqu’ici, c’est le groupe santé environnement (GSE) qui pilotait le PNSE 4. Des groupes de travail thématiques se réunissaient régulièrement pour suivre l’avancement des mesures, et faire des recommandations concrètes. Pouvoirs publics, agences de recherche, d’évaluation des risques, entreprises, associations y étaient représentées. Ici, aucune modalité de suivi , laissant donc la porte ouverte à … rien du tout.

Extrait du PNSE 2 (2010-2014)

Et du côté des moyens? Tout est très vague. Auparavant, les PNSE associaient à chaque action un pilote, des partenaires, des outils, un calendrier et des indicateurs de moyens. Wecf France constate que le PNSE 2 adopté, en 2009, associait par exemple à chaque action un budget indicatif

Eviter de nommer les maladies environnementales et leurs causes ne les fait pas disparaître

Le choix d’un jargon technique

C’est une tendance qui se confirme avec ce Plan : depuis plusieurs années, les termes clairs et compréhensibles par le plus grand nombre ont été remplacés par un jargon dit « technique » et abstrait. Des expressions telles que « plan chapeau » « trous dans la raquette » ou encore « retour d’expérience » et « boîte à outils » sont devenues légion.

Les grands absents du Plan

On cherchera en vain dans ce Plan des termes tels que : santé environnementale, cancer, cancers de l’enfant, malformations à la naissance, cancérogènes, neurotoxique, immunotoxique, etc. Or ne pas nommer, c’est aussi éviter de s’attaquer à ces graves problèmes. Alors que des cas groupés de cancers de l’enfant sont signalés dans plusieurs régions de France, ce PNSE 4 est-il vraiment sérieux? Par ailleurs, la période périnatale des 1000 premiers jours, si elle est mentionnée, n’est pas toujours au centre des préoccupations.

Autres grands absents, les pesticides, considérés comme des « expositions à fort impact sur la santé » dans le cadre du PNSE 2 et déjà rétrogradés en « risques à forte incertitude scientifique » dans le PNSE 3, ils ne sont tout simplement qu’une seule fois! Il fallait oser ! Le prétexte donné? Le PNSE 4 ne devrait pas faire doublon avec des plans déjà existants. Or, ces autres plans portent sur des sujets divers (pollution de l’eau, pesticides, obésité, cancer, santé au travail, perturbateurs endocriniens, etc.) mais pour lesquels il n’existe pas toujours de suivi dédié. Le PNSE 4 est pourtant sensé recouvrir l’ensemble de l’exposome (toutes les sources d’exposition auxquelles est soumis un individu tout au long de sa vie).

La santé est à la fois une affaire individuelle et collective

« Bons gestes » à profusion

En revanche, le terme « bons gestes » est lui présent pas moins de 26 fois. Le PNSE 4 affirme en effet dès son titre « Mon environnement, ma santé ». La santé serait donc une affaire purement individuelle: c’est la responsabilité de chacun.e d’éviter de s’exposer à des pollutions : air, eau, sols, produits du quotidien, produits biocides, bruit, etc. tout y passe. En filigrane, l’individu serait donc entièrement responsable d’une pathologie quelconque liée à des expositions à des pollutions! Wecf France qui préconise et développe certes des actions individuelles, mais également collectives au niveau des institutions, des acteurs économiques, etc. juge cela totalement inacceptable.

Pas de mesures collectives ou seulement « volontaires »

Quant aux mesures collectives, elles sont tout simplement absentes. Remplacer les composés dangereux dans les produits ménagers? Non, plutôt améliorer l’étiquetage sur la base du volontariat… des fabricants ! Idem, pour le projet autour de l’information du consommateur sur la présence de substances préoccupantes dans les produits de consommation, ou encore la « charte d’engagement » volontaire proposée au secteur du bâtiment sur la qualité de l’air…

Or, la manière la plus efficace de réduire l’exposition à des sources de pollutions ou substances dangereuses pour la santé ou l’environnement est l’interdiction et la substitution dans les produits courants ou les applications. Les effets rapides sur la santé des populations de l’interdiction du plomb dans l’essence en sont le meilleur exemple.

La formation en santé-environnement: une option!

La formation des professionnel.le.s de santé a toujours été le parent pauvre des politiques de santé-environnement. Le PNSE 4 annonce vouloir changer les choses… mais en fait une simple option volontaire pour les universités et écoles de formation des professionnels de santé. La généralisation d’une approche de prévention en santé environnement et d’une médecine environnementale n’est donc pas pour demain, alors que les besoins sont évidents.

Le numérique ne doit pas être omniprésent

Autre particularité de ce PNSE 4 : le choix quasi-exclusif des outils numériques comme moyens d’action. L’argument de la crise sanitaire Covid-19 ne suffit bien sûr pas à lui seul à justifier cette approche.

Il y a d’abord une start-up d’Etat dénommée « Ecosanté », organisme d’un nouveau genre, chargée de développer des « outils numériques » pour permettre de « connaître l’état de l’environnement à côté de chez soi, et les bonnes pratiques ». Vient ensuite le site « Agir pour bébé » de Santé Publique France, déjà en ligne, il sera complété avec des campagnes ciblées non connectées dès … 2023 ! On poursuit avec l’application pour smartphone « Scan4Chem » pour scanner les code-barres de produits et permettre au consommateur de savoir si le produit contient des « substances extrêmement préoccupantes » (définies par le règlement européen REACH), ou d’exiger du fabricant une information sur leur présence. Ajoutons-y les « auto-tests » auditifs. Le comble : une application pour téléphone mobile nommée « Open Barres » pour…réduire l’exposition aux ondes électromagnétiques !

On peut légitimement s’interroger sur le fait de faire reposer l’information des publics sur l’usage exclusif d’outils numériques, d’autant que toute la population ne dispose pas de smartphones, et que l’usage de ces technologies contribue également à augmenter l’exposition aux radiofréquences, qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé.

Quelques rares points positifs

Pour finir, mentionnons quelques actions bienvenues qui tiennent compte de certaines recommandations formulées au cours de l’élaboration du PNSE 4:

  • Proposer à chaque couple ou personne avec projet de grossesse une évaluation des expositions environnementales (au travail et à la maison) et des conseils de prévention,
  • Suivi post-accouchement par les sages-femmes à domicile avec dimension santé-environnement,
  • Sensibiliser les jeunes de 16 ans à la santé environnementale dans le cadre du service national universel,
  • Commencer à former les élus et agents des collectivités locales en santé-environnement,
  • Créer un catalogue en ligne (dénommé « Green Data Hub ») pour rassembler et croiser les données issues de diverses bases de données environnementales et sanitaires. L’objectif est de tendre à des données dites « FAIR » soit Trouvable, Accessible, Interopérable, Réutilisable. En effet, aujourd’hui, de nombreuses données générées de manière coûteuse avec des deniers publics sont inutilisables !

Si vous souhaitez donner votre avis, et reprendre certains de nos arguments, participez à la consultation publique sur le PNSE 4, ouverte en ligne jusqu’au 6 décembre. A noter: toujours faire une contribution personnelle. Ne pas copier-coller des propositions, puisqu’elles seront considérées comme nulles.