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Pesticides : sommes-nous mieux protégé.e.s?

Pesticides : sommes-nous mieux protégé.e.s? Ces dernières semaines, plusieurs actualités ont fait la une sur la question des pesticides au niveau national. Sans surprise, ces produits sont parmi les plus souvent cités par le grand public comme sources de pollution inquiétantes pour la santé. Ceci est somme toute logique, puisque la France reste une très forte consommatrice de pesticides en Europe: elle est la deuxième derrière l'Espagne. Les données montrent que la consommation ne semble pas diminuer. Des plans "Eco-Phyto" aux mesures prises plus localement, quelle protection nous assurent les autorités face à ces produits?

L’échec des plans « Eco-Phyto » destinés à réduire l’usage des pesticides

Les plans Eco-Phyto se succèdent… et se ressemblent dans l’incapacité à atteindre leurs objectifs: réduction de 25% d’ici 2020 et de 50% d’ici 2025. Entre 2009 et 2016, l’usage de pesticides en milieu agricole aurait même augmenté de 7%, selon des informations de Générations Futures. En outre, entre 2014 et 2016, les chiffres montrent même une augmentation de 12% de l’usage de pesticides. C’est la consommation de fongicides (destinés à lutter contre les champignons parasites des végétaux) qui augmente particulièrement. L’usage des substances classées CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) avéré aurait diminué pour être remplacé par des CMR suspectés: on préférerait bien sûr un usage de substances et produits non dangereux, et surtout le déploiement d’alternatives telles que l’agriculture biologique.

Un point positif cependant: la loi Labbé (du sénateur Joël Labbé, à l’origine de la proposition de loi) a permis de réduire fortement les usages non agricoles des pesticides (jardins, particuliers).

Quand le Conseil d’Etat annule un arrêté ne protégeant pas les riverains

Qui dit pesticides dit bien sûr épandage. Normalement, la réglementation doit protéger les riverains des expositions… Cependant, le 26 juin 2019, le Conseil d’Etat a partiellement annulé l’arrêté du 4 mai 2017 qui régit l’utilisation des pesticides, au motif qu’il ne comprend pas de dispositions concernant la protection des riverains, alors que cela est prévu par la réglementation européenne! Cette décision fait suite à une plainte déposée par plusieurs associations dont Eaux et Rivières de Bretagne ou Générations Futures. Des mesures ont été annoncées par le ministère de l’agriculture suite à cette décision: l’Etat a 6 mois pour prendre des mesures réglementaires.

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat motive sa décision en 4 points :

  • L’absence de mesures de protection générale des riverains – le texte ne prévoyait que des mesures de protection de lieux tels qu’aires de jeux, écoles, établissements de santé, maisons de retraite et espaces de loisirs destinés au public;
  • Le fait que seuls les produits en pulvérisation ou en poudrage sont ciblés en matière de protection des cours d’eau – excluant les granulés, l’injection de produits dans le sol;
  • L’application des délais de rentrée après épandage aux seules zones avec de la végétation en place – excluant les sols vierges de végétation;
  • L’absence de mesures précises pour éviter ou réduire le risque de pollution en cas de ruissellement liées à de fortes pluies.

Cours d’eau: quand des préfets redessinent les cartes pour moins de protection

Une information relayée le 10 juillet dans le cadre de « L’oeil du 20h » sur France 2 fait état de cours d’eau/ points d’eau rayés des cartes par certains préfets. La réglementation prévoyait l’interdiction d’épandage à une distance de 5 mètres de part et d’autre des cours d’eau. Si ceux-ci n’apparaissent plus sur les cartes des cours d’eau établies par les préfectures, les interdictions tombent naturellement, et l’épandage peut reprendre. C’est en comparant ces cartes avec celles établies par l’IGN (Institut Géographique National) que des journalistes ont constaté des différences. Ces mesures, prises par certaines préfectures (Indre-et-Loire par exemple), font suite à une pression et une demande d’organismes tels que la FNSEA, sous couvert de pertes d’emplois liées à la non mise en culture des espaces concernés. La santé publique et l’état de pollution des cours d’eau passe après! Et pourtant, d’après un rapport du service statistique du ministère de la transition écologique et solidaire paru début juin, « entre 2014 et 2016, les 23 millions d’analyses d’échantillons réalisés dans les cours d’eau ou les lacs de France métropolitaine (sic) ont révélé la présence quasi-systématique de pesticides, en particulier d’herbicides et de leurs produits de dégradation. »

Les maires, en première ligne pour protéger les riverains

A l’opposé, plusieurs maires ont récemment pris des arrêtés pour renforcer la protection des populations. Tout récemment, la maire du Perray-en-Yvelines a ainsi pris un arrêté pour protéger la population. Sa décision fait suite à des tests d’urine menés sur des habitants qui ont mis en évidence des taux élevés de pesticides, notamment du glyphosate, et à l’inquiétude de plusieurs riverains de zones traitées.

Elle a été précédée par le maire de Langouet (Ille-et-Vilaine), qui a pris en avril dernier un arrêté du même ordre. Dans cet arrêté, l’élu énonce les raisons qui motivent sa décision, et demande l’application de 2 mesures:

  • Interdiction d’usage de pesticides à moins de 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant habitation ou bâtiment professionnel;
  • Distance réduite à 100 mètres dans certains cas: haie anti-dérive répondant à certains critères ou utilisation de certains moyens pour réduire les contaminations.

L’engagement de l’élu lui assure une reconnaissance bien au-delà du village, puisque même le village de 600 habitants est cité en exemple par le site des Nations Unies sur les Objectifs du Développement Durable (ODD) dans la catégorie « villes durables (ODD 11).

A venir : quelques éléments sur le trafic de pesticides … qui n’est pas comptabilisé dans les chiffres officiels, mais fait pourtant des dégâts dans les champs, les cours d’eau, l’air et les assiettes.