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L’avenir de nos textiles usagés

L’avenir de nos textiles usagés Nous le savons, l’industrie textile est l’une des industries les plus polluantes au monde. À l’apparition de nouvelles techniques de production permettant la distribution plus rapide et moins chère de vêtements, s’ajoutent les tendances mode qui évoluent toujours plus vite et nous poussent à consommer de plus en plus de vêtements. Selon l’Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, une personne achète 60% de vêtements de plus qu’il y a 15 ans mais les conserve moitié moins longtemps ! Chaque Français achète en moyenne 9,5 kg de vêtements par an et seulement 3,6 kg sont actuellement collectés et triés pour être valorisés ; le reste, soit plus de la moitié, est jeté et non valorisé.

La mise en place d’une éco-contribution textile

En 2007 a été instaurée l’éco-contribution textile, une participation financière obligatoire à la collecte et au traitement des déchets, que doivent verser les producteurs du déchet concerné. Elle a pu être mise en place grâce au travail commun des opérateurs principaux de la filière française de récupération textile. Le Relais, Emmaüs et Tissons la Solidarité (réseau du Secours Catholique) ont souhaité pérenniser cette activité, en crise depuis le début des années 2000. A cette période, l’importation toujours plus importante de vêtements à bas prix et de faible qualité, plus souvent mis au rebus contrairement aux vêtements de meilleure qualité, qui restent plus longtemps en bon état et rendent donc l’activité viable, a fragilisé les opérateurs de la filière de récupération.

Cette nouvelle éco-contribution est basée sur le principe de la REP, la « responsabilité élargie du producteur », reconnue dans la directive-cadre européenne sur les déchets, qui rend les entreprises responsables de la fin de vie de leurs produits mis sur le marché. Ces entreprises, d’après le code de l’environnement, peuvent soit mettre en place un système individuel de recyclage et de traitement de leurs déchets, soit contribuer financièrement à un organisme créé à cet effet et auquel ils adhèrent.

Ainsi en 2008 est formé l’éco-organisme Eco TLC, agréé par l’Etat et chargé de créer les conditions propices à une meilleure récupération et valorisation des TLC (Textiles, Linges et Chaussures) usagés. Concrètement, Eco TLC perçoit les éco-contributions des metteurs en marché de TLC, établit des conventions avec les opérateurs de collecte et de tri, soutient financièrement les collectivités et leur fournit des outils de communication pour sensibiliser les citoyens. Eco TLC accompagne également la R&D sur le recyclage et encourage le développement de produits éco-conçus.

Que faire de nos textiles usagés ?

Pour privilégier la valorisation et éviter de mettre au rebus nos textiles usagés, des points d’apport volontaire ou PAV agréés par Eco TLC existent un peu partout en France.

Tout d’abord, vous pouvez faire don des TLC dont vous ne voulez plus vous servir directement à des associations, des ressourceries ou des recycleries de votre ville. Ces structures ont souvent pour vocation la solidarité, l’entraide et l’insertion par l’emploi en accompagnant des personnes en difficultés. Vos textiles vont ainsi être triés et donnés à des personnes dans le besoin ou bien revendus pour financer la structure. Il est donc important de donner à ces structures des TLC en bon état qui peuvent être encore utilisés.

Une autre possibilité consiste à déposer vos TLC usagés dans des conteneurs mis à disposition par votre collectivité dans votre rue ou sur un parking. Attention toutefois à ne pas confondre les conteneurs agréés avec les conteneurs non agréés qui apparaissent de plus en plus sur les points d’apport volontaire.

Dernière option, vous pouvez également rapporter vos TLC dans les enseignes commerçantes du textile qui déploient un programme de récupération et valorisation des TLC.

Les détenteurs des points d’apport volontaire et collecteurs agréés doivent répondre à un cahier des charges précis pour être conventionnés. Ils s’engagent entre autres à déclarer les tonnages collectés et leurs destinations en assurant leur traçabilité, et à utiliser la signalétique commune de la filière Eco TLC pour une meilleure information des citoyen.nne.s.

Il faut donc bien comprendre que l’agrément de ces derniers ne les engage en aucun cas à redistribuer les textiles aux plus démunis. De plus, les détenteurs des points d’apport volontaire et les collecteurs peuvent être des associations mais peuvent aussi être des entreprises privées ne relevant pas de l’économie sociale et solidaire et qui ont donc un but commercial et non social.

Enfin, il est important de noter que certains collecteurs qui récupèrent les TLC usagés des conteneurs collectent aussi des TLC auprès des associations ou boutiques qui ne peuvent pas gérer le surplus de vêtements donnés, faute de moyens.

Pour résumer, en déposant vos vêtements dans des points d’apport volontaire, vous ne destinez pas forcément vos textiles à être donnés directement à des personnes dans le besoin mais vous aidez les structures associatives.

En définitive, nous vous conseillons fortement de vous renseigner sur l’organisme en question avant tout dépôt de TLC usagés. Vous pouvez trouver les adresses des points d’apport volontaire agréés sur le site La Fibre du Tri, créé par Eco TLC, plateforme qui a pour objectif de donner en toute transparence les informations utiles à la valorisation de vos textiles.

Que deviennent nos textiles une fois déposés dans les points d’apport volontaire ?

Eco TLC estime que 239 000 tonnes par an de TLC sont collectées dans les points d’apport volontaire, soit environ 35% des TLC mis sur le marché (source : Mon guide pratique, comité maillage de la filière, édition 2018). Les volumes collectés sont ensuite triés et envoyés soit en filière de réutilisation, soit en filière de recyclage d’autres matériaux, soit en filière de valorisation énergétique.

Zone de Texte: Chiffres clé de la filière 2018
Chiffres clé de la filière 2018

41% des TLC collectés sont soit valorisés en énergie thermique soit recyclés en nouvelles matières ou en nouveaux tissus, comme par exemple des coupons à destination des marchés de l’habillement, de l’ameublement ou de la décoration. Le recyclage permet aussi de développer de nouveaux produits comme les chiffons d’essuyages jetables principalement utilisés dans l’industrie lourde ou bien en isolant thermique.

Néanmoins la réutilisation reste le principal débouché des TLC collectés.

Ainsi sur les 58,5% restant, 10% seront triés et revendus sur le marché français, dans une majorité de boutiques ne relevant pas de l’économie sociale et solidaire. Le reste sera exporté à l’international, soit près de la moitié des textiles collectés !

Mais alors que deviennent ces textiles envoyés dans des pays étrangers ?

Controverse du devenir des TLC exportés

Ces dernières années, de nombreux journalistes ont essayé de remonter la filière de tri et de réutilisation des TLC exportés à l’étranger. Ces enquêtes ont permis de mettre en lumière plusieurs problématiques.

Les filières ne sont en effet pas toujours vertueuses en matière sociale et environnementale. Par exemple, des TLC exportés à l’étranger pour être triés peuvent être renvoyés en France et revendus parfois très cher et à des fins seulement économiques. On les retrouve dans des friperies, leurs origines restant encore difficile à contrôler. La revente des TLC usagés et non collectés dans des points d’apport volontaire agréés constitue un marché qui se développe de plus en plus, parfois au détriment de l’éthique et qui manque cruellement d’encadrement. Seules les friperies du Relais (Ding Fring), d’Emmaüs, du Secours Catholique ou d’autres associations de l’économie sociale et solidaire telles que les recycleries, peuvent garantir l’origine des TLC revendus.

En outre, le tri et la revente des textiles exportés sur les marchés de friperies de certains pays peuvent fragiliser l’économie locale par une concurrence déloyale aux artisans locaux et une dépendance face au système mis en place. Le Relais, leader de la collecte, du tri et de la valorisation sur le territoire français, pratique la « délocalisation positive » en Afrique et à Madagascar, où 3 antennes ont été ouvertes. Il propose un modèle basé sur le « développement mutuel Nord/Sud » par la création sur place de centaines d’emplois dans les activités de tri et en soutenant des projets locaux. Il affirme instaurer « une relation d’égal à égal où chaque pays tire profit de la démarche » même si l’équilibre entre solidarité et rentabilité reste toujours fragile.

Quelles solutions ?

La filière de collecte des textiles usagés est de mieux en mieux organisée et de plus en plus connue du grand public. Cependant la part de textiles collectés exportée à l’étranger est importante et leur réutilisation encore compliquée en France.

De plus en plus d’initiatives locales de réemploi des TLC existent et seraient, d’un point de vue environnemental et économique, plus vertueuses. Malheureusement, le manque de transparence et d’accès aux textiles collectés rendent encore difficile la pérennité de ce genre de projets.

D’autre part, les enseignes commerçantes de la mode qui collectent les textiles usagés n’ont pas encore prouvé que leurs pratiques étaient vertueuses.

Afin que le système mis en place par l’éco-organisme Eco TLC soit de plus en plus cohérent, il est nécessaire de contrôler, accompagner et exiger davantage d’engagements de la part des acteur.rice.s à chaque étape de la filière.

En 2014, Eco TLC avait de nouveau obtenu l’agrément permettant de coordonner et animer la filière de collecte et de valorisation des TLC usagés pour une période de 6 ans. Les objectifs étaient de collecter et traiter 50 % des TLC mis en marché d’ici 2019 et atteindre 95 % de valorisation, en maintenant un minimum de 20 % de recyclage.

En décembre 2019, cet agrément a été renouvelé pour une période de 2 ans, de 2020 à 2022, afin de permettre à moyen terme l’intégration des avancées de la recherche sur le recyclage, en attendant d’importantes modifications du nouvel agrément qui serait mis en œuvre à partir de 2023.

Quels nouveaux objectifs ce nouvel agrément apportera-t-il ? Des objectifs en matière de réutilisation seront-ils fixés ? Précisera-t-il de nouveaux engagements à tenir concernant les détenteurs de point d’apport volontaire ?


Cet article a été écrit par Déborah Ranger, membre du Collectif Démarqué dans le cadre d’un partenariat avec Wecf France.