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Incendie de l’usine Lubrizol de Rouen : à quand une meilleure sécurité des sites Seveso ?

Incendie de l’usine Lubrizol de Rouen : à quand une meilleure sécurité des sites Seveso ?

Un jour après, difficile d’évaluer les dégâts causés par l’incendie impressionnant qui a eu lieu sur le site de l’usine Lubrizol. Le bon sens incite à s’inquiéter de l’incendie sur un tel site, justement classé « Seveso 2 » (seuil haut) en raison des types de produits qui y sont utilisés. Riverains et populations alentour ne s’y trompent pas: malgré les messages rassurants des autorités, les conséquences à court, moyen et long terme de cet incendie ne sauraient être anodines. L’usine Lubrizol, créée dans les années 50, est un site de fabrication d’additifs destinés à enrichir les huiles, les carburants ou peintures industrielles.  Des investigations sur l’ensemble du site industriel sont nécessaires pour connaître les éventuels dégâts encore non visibles.

Consignes données par les autorités

Document d’information – Département des Bouches du Rhône

Les 26 et 27 septembre, diverses mesures ont été prises et des consignes données par la préfecture de Seine-Maritime. Plus de 200 pompiers ont été mobilisés pour finalement maîtriser le feu aux alentours de 15 h jeudi. Des consignes ont été adressées à la population, tandis qu’écoles et crèches restent fermées ce vendredi:

  • Eviter les déplacements des enfants, personnes âgées, personnes souffrant de pathologies respiratoires
  • Limiter les activités physiques et sportives en particulier en plein air 
  • En cas de difficultés respiratoires, de céphalées intenses ou persistantes, contacter le 15 ;
  • Ne pas toucher les retombées de suie, se laver les mains en cas de contact,
  • Ne pas consommer de légumes et fruits du jardin qui ne pourraient être épluchés ou lavés de façon approfondie;
  • Ne pas laisser consommer aux animaux des aliments souillés, et les rentrer.

De nombreuses questions sur les effets sanitaires possibles

  • L’air est pollué: les habitants se plaignent d’odeurs irritantes. Les composés les plus toxiques, tels que produits phosphorés ont été écartés du site au début de l’incendie. Aucun dégagement d’hydrogène sulfuré ou de mercaptan (dégagé accidentellement en 2013 sur le même site), deux gaz toxiques dont on craignait la présence, n’a été signalé. Les odeurs « représenteraient un risque faible » pour la population, selon la préfecture. Cependant, le nuage toxique de fumée noire, contenant des substances cancérogènes, a bien plané au-dessus de zones densément peuplées.
  • Les sols, bâtiments, véhicules, installations, etc. sont souillés par des dépôts noirâtres composés d’hydrocarbures, lubrifiants, huiles de moteurs (et autres substances?) ayant brûlé lors de l’incendie. Ces dépôts viendront contaminer les eaux souterraines et de surface par ruissellement, et ne vont pas disparaître par miracle.

A quand une meilleure sécurité des sites Seveso, et des sites industriels ?

Les sites Seveso rappellent la tristement célèbre catastrophe italienne de 1976, liée à l’émission de dioxines hautement toxiques par un site industriel, sur la commune du même nom et alentours. Elle a débouché sur l’adoption de la directive Seveso par l’Union européenne, afin d’améliorer la sécurité des sites industriels à risque et à haut risque. En France, un renforcement de la législation a été opéré suite à la catastrophe AZF de 2001.

Prévenir les expositions, et mettre en place des registres de maladies

La sociologue Annie Thébaud-Mony, interviewée le 27 septembre 2019

La sociologue Annie Thébaud-Mony, engagée de longue date sur les questions de santé-environnement et de santé des travailleurs, demande un suivi médical des personnes exposées, et également un registre départemental des cancers, permettant de reconstituer le parcours professionnel de travailleurs exposés et malades.

Le principe pollueur-payeur, encore trop peu appliqué

Wecf France, qui a eu l’occasion d’inviter l’experte à une table-ronde en 2014 sur le thème « Genre et cancers professionnels » ne peut que soutenir une telle demande. Par ailleurs, si la législation européenne et française est parmi les plus sévères au monde, chaque nouvelle catastrophe industrielle démontre les failles du système. Les investissements réalisés par certaines entreprises pour assurer la sécurité des sites, la non-contamination des environs ou encore l’absence de risques pour les riverains ne sont pas suffisants. La non-application du principe pollueur-payeur, et les facilités qui continuent à être accordées à un certain nombre d’entreprises n’ont pas fait cesser les pollutions industrielles. Les exemples ne manquent pas. S’y ajoutent les anciens sites industriels ou miniers aujourd’hui à l’abandon, mais dont les pollutions continuent littéralement d’empoisonner les riverains.