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En retard de 20 ans – notre bilan de la COP26

En retard de 20 ans – notre bilan de la COP26

Écrit par Gina Cortés Valderrama, WECF International

La 26e Conférence des Parties de la CCNUCC (aussi appelée COP26) qui s’est tenue à Glasgow du 31 octobre au 13 novembre 2021, avait pour objectif d’amener les pays du monde entier à conclure des accords concrets nous permettant de respecter les objectifs de l’Accord de Paris. Lors de cette conférence, les décisions prises devaient définir les « règles du jeu » pour la mise en œuvre de politiques et d’actions pour la réduction des émissions de CO2 et l’adaptation au changement climatique. Pour cela, il est crucial de comprendre que le changement climatique n’est pas seulement un problème environnemental mais qu’il s’agit aussi d’un défi social et politique à forte composante éthique, où les droits humains et le bien-être des êtres vivants doivent primer.

Des millions de personnes vivent déjà dans un état de crise permanent, constamment menacées par les effets du changement climatique qui s’intensifient rapidement en raison des modèles extractivistes soutenus par les pays développés dans les territoires en développement. Les cycles de pauvreté, les déplacements forcés, l’instabilité politique et les conflits liés aux ressources sont exacerbés, en particulier dans les pays du Sud. C’est pourquoi les politiques climatiques à tous les niveaux doivent répondre au principe de justice climatique et veiller à l’intégration des groupes qui sont déjà affectés de manière disproportionnée par le changement climatique. Cet objectif a-t-il été atteint lors de la COP26 ? Non. En dépit du fait que la présidence britannique l’ait publiquement présentée comme la COP la plus inclusive, elle n’a pas réussi à traduire ce discours en actes, ni à matérialiser de réelles ambitions en matière de climat.

Photos : Annabelle Avril pour WECF

Garanties en matière de participation de la société civile

Les barrières à une participation effective de la société civile ont commencé par des procédures d’accès aux visas discriminatoires, puis se sont poursuivies avec des coûts d’hébergement exorbitants à Glasgow, et enfin un apartheid vaccinal. Ces facteurs, ainsi que d’autres causes, ont empêché la participation de groupes féministes intersectionnels, de communautés autochtones, afro-descendantes et LGBTIQ+, ainsi que de jeunes et de paysan.nes, principalement de pays du Sud. Toutefois, ce n’était que le début d’une longue liste de défis. Les personnes et organisations qui ont pu surmonter ces obstacles ont été confrontées à des restrictions sur place, puisqu’au cours des premiers jours de la COP, l’accès aux salles de négociations a été limité à 36 des 11 700 observateur.ices de la société civile inscrit.es. Les autres participant.es ont été invité.es à suivre les négociations sur une plateforme virtuelle, qui n’a pas réussi à transmettre l’intégralité des discussions.

Les conséquences du manque de participation de la société civile se sont reflétées dans les conclusions de la COP; un miroir clair des causes profondes de cette crise environnementale. Les décisions qui auront un impact important sur notre présent et notre avenir sont prises principalement par un groupe exclusif et privilégié d’hommes blancs venant de pays développés, qui favorisent des entreprises priorisant leurs profits au détriment des populations. Ceci, alors que les voix des femmes dans toute leur diversité, des jeunes, des communautés autochtones et afro-descendantes ne sont pas prises en compte. Comme l’a dit Mary Robinson : « La COP26 est trop masculine, trop pâle, trop austère« .

Quelques progrès en termes d’ambition à la COP26… Peut-être ce qui était nécessaire il y a 20 ans

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les principales conclusions de la contribution du Groupe de travail N°I au sixième rapport d’évaluation est clair : l’influence humaine sur le changement climatique est sans équivoque. Des réductions immédiates, rapides, profondes et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre, impliquant une transition sociétale et systémique, sont nécessaires. L’ampleur du dérèglement climatique dépend des décisions que nous prenons aujourd’hui. Et les négociations n’ont pas atteint le niveau d’ambition et d’urgence requis pour faire face à cette crise.

Les États parties ont choisi de promouvoir l’expansion des mécanismes de marché tels que les marchés carbone, sans faire référence aux obligations des États de respecter le droit des Afrodescendant.es et des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé. Même si un Mécanisme indépendant de plaintes a été garanti, les règles de mise en œuvre de l’article 6 de l’Accord de Paris laissent des échappatoires qui pourraient compromettre ses objectifs et la protection des droits humains. Mais tout comme les marchés carbone, des récits promouvant de fausses solutions telles que les soi-disant solutions basées sur la nature (NbS) et le concept du Net Zero ont été largement utilisés, imposant une menace qui laisse place à la perpétuation des modèles coloniaux et extractivistes.  

L’un des points les plus critiques sur lesquels les pays développés ont fait obstruction est le financement du climat. La création d’un fonds pour les pertes et dommages afin d’indemniser les communautés qui ont déjà perdu leurs maisons et leurs moyens de subsistance à cause des inondations, des sécheresses, des vagues de chaleur et de l’augmentation du niveau des mers n’a pas obtenu le feu vert de plusieurs pays. Ce manque d’engagement et de responsabilité intervient dans un contexte où, selon le nouveau rapport du Fonds monétaire international (FMI), les subventions mondiales aux énergies fossiles s’élèveront à 6 000 milliards de dollars en 2020, soit 11 millions de dollars par minute. Seulement 8% de ces subventions aux énergies fossiles reflètent la sous-facturation des coûts d’approvisionnement (subventions explicites) et 92% reflètent la sous-facturation des coûts environnementaux et des taxes à la consommation abandonnées (subventions implicites). Pour la toute première fois, le terme « énergies fossiles » (à l’exclusion du pétrole et du gaz) et la nécessité de réduire progressivement (au lieu de supprimer progressivement) l’énergie produite à partir du charbon et les subventions aux combustibles fossiles inefficaces ont été inclus dans le texte de décision final de la COP. Bien qu’il s’agisse d’un pas en avant dans la désignation de l’un des principaux moteurs de cette crise climatique, le texte ne fournit pas d’objectifs clairs pour l’élaboration de politiques transformatrices.

Pouvoir du peuple, Justice climatique !

Une chose est devenue très claire : la véritable action est menée par le peuple. C’est la société civile qui manifeste avec force et exige des engagements et des solutions ambitieuses pour un avenir plus durable. C’est ce qui ressort de la « Marche pour le Climat » de Glasgow, le 6 novembre 2021, au cours de laquelle plus de 250 000 personnes se sont rassemblées pour faire entendre leur voix. Les communautés autochtones, les Afro-descendant.es, les LGBTIQ+, les femmes, les jeunes, les paysan.nes, parmi beaucoup d’autres groupes, ont exigé que leurs gouvernements et la communauté internationale réunis à Glasgow parviennent à des conclusions substantielles dans lesquelles les droits humains et une action climatique juste soient une priorité. Plusieurs groupes féministes de la Constituante Femmes et Genre (WGC) qui ont pu assister à la COP et représenter leurs communautés ont défilé pour faire entendre notre message et nos principales demandes concernant les résultats de la COP26.

Des représentant.es de groupes de la société civile de la CCNUCC, dont la WGC, sont monté.es sur scène lors de la COP26 pour une session « Séance plenière du peuple » organisée avec la Coalition COP26. Après avoir fait entendre notre voix en faveur de la justice climatique, des centaines de personnes ont quitté la plénière en chantant « le pouvoir du peuple » et en tenant une ligne rouge pour symboliser les limites qui ont été franchies par le 26e Sommet des Nations unies sur le climat, en ne prenant pas les engagements justes et urgents qui étaient nécessaires.

En outre, grâce à différentes campagnes et manifestations à l’intérieur et à l’extérieur de la COP, la participation des absent.es a été virtuellement intégrée en amplifiant leurs voix lors de la conférence et sur les médias sociaux via le hashtag #MissingVoicesCOP26. La WGC a mené une campagne de couleur #FeminstClimateJustice, abordant un sujet différent chaque jour et utilisant des masques de la couleur du jour pour attirer davantage l’attention. Cette campagne a connu un énorme succès, puisqu’elle a obtenu une visibilité dans de grands médias tels que la BBC et The Guardian.

Photos : Annabelle Avril pour WECF

Voilà à quoi ressemble une action climatique prenant en compte le genre !

Alors que les gouvernements nous déçoivent en matière d’ambition climatique, ce sont des initiatives locales menées par des femmes dans différentes communautés qui ont promu des modèles exemplaires et transformateurs d’adaptation et d’atténuation du climat lors des événements de haut niveau de la COP26. C’est le cas du projet mené par Pauline Lancon, lauréate du prix Solutions Genre et Climat 2019, qui a été invitée en tant que panéliste lors d’un événement organisé par la présidence britannique de la COP, aux côtés d’invitées tels que Dr Rose Mwebaza, directrice du Centre et réseau des technologies climatiques des Nations unies (CTCN) et Dr Tamsin Edwards, auteure du GIEC et climatologue. Dans ce panel, Pauline a souligné l’importance d’intégrer une perspective de genre dans la mise en œuvre des technologies, de l’innovation et de la science climatiques. De même, Lucie Gamond-Rius, lauréate 2021, et Trupti Jain, lauréate 2018, ont participé au dialogue sur le genre organisé par ONU Femmes lors de la Journée du genre. Grâce à leur expérience de travail en étroite collaboration avec les communautés, les deux représentantes ont partagé les leçons apprises et les meilleures pratiques sur les moyens d’assurer le développement et la mise en œuvre de technologies d’adaptation et d’atténuation tenant compte du genre. WECF a également démontré son fort engagement envers la protection de la biodiversité en animant un événement au pavillon français. Sur la base de leur expérience pratique, Karen Dubois et Dorothee Lisenga, lauréates du Prix Solutions Genre et Climat, ont discuté des interconnexions entre la biodiversité et la justice de genre avec Ronan Dantec, sénateur français et Jean-Luc Redaud, administrateur de 4D.

Lors de la table ronde de l’événement parallèle de l’Union européenne sur la « transition juste », la directrice de WECF, Sascha Gabizon, a mis sur la table les failles féministes de la transition énergétique : la pauvreté énergétique en Europe touche principalement les femmes célibataires, le Green Deal européen adhère à des normes patriarcales et les fonds circulent principalement vers des lieux où des personnes socialisées masculines en bénéficient. Elle a précisé que l’inclusion d’aspects intersectionnels dans la transformation à venir est inévitable et qu' »un Green Deal équitable en termes de genre est bénéfique pour la société et l’économie ».

Lors de la sixième cérémonie de remise du Prix Solutions Genre et Climat, organisée en Zone bleue le 8 novembre 2021, nous avons été très fières d’annoncer les nouvelles lauréates et de lancer la publication 2021. La cérémonie a vu la participation d’invité.es de haut niveau tel.les que Åsa Regnér, directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes, Abdou Karim Sall, ministre de l’environnement et du développement durable du Sénégal, ou Kitty van der Heijden, directrice générale de la coopération internationale des Pays-Bas.

Les Prix Solutions Genre et Climat montrent que des solutions climatiques équitables pour les femmes existent déjà dans le monde entier. Elles visent des modèles de développement transformateurs et inclusifs et aident à repenser la croissance. Avec des engagements réels de la part des gouvernements, par exemple en termes de financements et de technologies, nous pouvons étendre ces solutions inclusives pour avoir un impact significatif, non seulement au niveau local mais aussi au niveau mondial.

Un grand pas en avant !

L’une des réalisations les plus importantes pour les représentant.es de la société civile au cours de cette conférence a été l’obtention de trois sièges au Conseil Consultatif du Climate Technology Center and Network (CTCN) pour les 3 constituantes représentant les jeunes, les peuples autochtones et les organisations de femmes et de genre. Grâce au travail de plaidoyer collectif mené par WECF et les leaders des organisations de jeunes et de peuples autochtones au cours des dernières années, nous avons maintenant un siège à la table d’un organe de la CCNUCC, responsable du transfert et du développement des technologies climatiques.  

Il s’agit d’un grand pas en avant vers l’intégration et la compréhension des priorités, des besoins, mais surtout des solutions que les jeunes, les communautés autochtones et les femmes dans toute leur diversité peuvent apporter pour faire face au changement climatique. C’est un pas en avant pour garantir la participation et la contribution significatives de communautés en première ligne dans les espaces de prise de décision.

Pour lire la version originale en anglais de cet article, cliquez ici.