
Du 5 au 14 août, 184 pays se sont réunis à Genève sous l’égide de l’ONU pour s’accorder sur un traité visant à lutter contre la pollution plastique mondiale. WECF était présente aux côtés de la société civile lors de ces négociations cruciales pour l’avenir de la planète et de la santé des populations.
Une urgence mondiale ignorée
Chaque année, plus de 500 millions de tonnes de plastique sont produites, dont une majorité à usage unique ou sous forme d’emballages jetables, exerçant une pression insoutenable sur l’environnement. Entre 2000 et 2020, la production de plastique a augmenté de 85 %, atteignant 435 millions de tonnes, si rien n’est fait, elle triplera d’ici 2060 (OCDE). Et néanmoins, moins de 10 % seulement est recyclé.
Un texte vidé de son ambition : un recul historique dans la lutte contre la pollution plastique
Ce sommet capital était l’ultime round de négociations, achevé sans succès, au terme d’âpres négociation entre deux groupes très opposés :
D’un côté, les pays qui « pensent pareils » (« Like minded countries » : les Etats-Unis, la Russie, les pays producteurs de pétroles comme l’Arabie saoudite et l’Iran) ont refusé toutes mesures contraignantes et n’ont pas accepté que la négociation soit basée sur « toute la durée de vie » du plastique, c’est-à-dire depuis la substance dérivée du pétrole jusqu’à son état de déchet. Ils se sont également opposés à toute interdiction de molécules ou additifs dangereux, à un article dédié à la santé …
De l’autre, les pays à forte ambition, dont la France au sein du groupe Union européenne, qui demandaient, entre autres, des limitations chiffrées de la production mondiale, la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie, l’élimination des plastiques non essentiels, la prise en compte de la santé, l’importance d’établir une liste de substances chimiques, incluant les additifs, colorants, PFAS, phtalate, jugées potentiellement dangereuses pour l’environnement ou la santé humaines. Cette approche est cruciale pour adresser les perturbateurs endocriniens, une inclusion des droits humains ou encore des aides financières pour les pays les plus pauvres.
Les négociations n’ont donc pas abouti sur un texte consensus, révélant la persistance des oppositions structurelles. La session précédente de discussions s’était aussi soldée par un échec à Busan, en Corée du Sud, fin 2024. Ainsi le texte proposé, censé répondre à la crise mondiale du plastique, a été vidé de son ambition sous la pression de quelques États. Ce processus, opaque et antidémocratique, a sapé le multilatéralisme et trahi l’esprit du mandat confié par les Nations Unies (UNEA 5/14).
Mieux vaut pas de traité qu’un mauvais traité
Face à une crise environnementale, sanitaire et sociale sans précédent, WECF et la société civile avons refusé un texte vidé de sa substance. Nous continuons d’exiger :
- Un accord réellement contraignant.
- Une réduction de la production de plastique.
- La prise en compte de la santé, des droits humains et des populations autochtones.
- Le respect des recommandations scientifiques.
La crise du plastique est-elle genrée ?
WECF a soutenu un traité ambitieux, juridiquement contraignant, soulignant que la crise du plastique n’est pas seulement une crise environnementale, mais aussi une crise des droits humains, une crise sanitaire et comporte une dimension genrée.
La pollution plastique représente l’un des défis environnementaux majeurs du XXIe siècle. Cependant, une dimension cruciale de cette crise reste largement méconnue : l’impact différencié selon le genre des substances chimiques contenues dans les plastiques. Les femmes et les populations vulnérables sont particulièrement touchées et présentent des vulnérabilités spécifiques.
Les plastiques contiennent des additifs extrêmement toxiques et de nombreuses substances chimiques préoccupantes, notamment des perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphénol A (BPA) et ses substituts, des retardateurs de flamme bromés, des PFAS…) qui interfèrent négativement avec le système hormonal humain.
Les femmes sont exposées de manière disproportionnée à ces substances à travers les produits de consommation courante : emballages alimentaires, cosmétiques, produits d’hygiène, produits menstruels, jouets des enfants, textiles…. Cette exposition chronique peut perturber l’équilibre hormonal et affecter la fertilité, la grossesse, la santé reproductive, le développement fœtal. La sensibilité à ces substances chimiques varie selon les périodes de la vie.
Les recherches scientifiques documentent de plus en plus les liens entre l’exposition aux substances chimiques des plastiques et divers troubles de la santé reproductive féminine. L’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques, les troubles de la fertilité, et certains cancers hormonodépendants montrent des associations avec l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Les femmes enceintes et allaitantes constituent une population particulièrement vulnérable, notamment car ces substances traversent la barrière placentaire et se retrouvent dans le lait maternel. L’exposition pendant la grossesse peut influencer le développement neurologique, reproductif et métabolique du fœtus.
Les adolescentes en période de puberté représentent également un groupe à risque : leur système reproductif en développement est particulièrement sensible aux déséquilibres hormonaux. Les perturbateurs endocriniens peuvent affecter l’âge de la puberté, le développement mammaire, et la régularité des cycles menstruels.
L’exposition aux perturbateurs endocriniens ne se limite pas aux effets immédiats sur la génération exposée. Des modifications épigénétiques peuvent être transmises aux générations suivantes, créant un héritage toxique invisible. Les grands-mères exposées pendant leur grossesse peuvent ainsi affecter la santé reproductive de leurs petites-filles.
Cette dimension transgénérationnelle soulève des questions éthiques majeures sur la responsabilité collective face à la pollution chimique et sur la protection des générations futures. Elle interroge également les modèles économiques basés sur la production massive de plastiques à usage unique.
Les caractéristiques physiologiques se conjuguent souvent avec des inégalités socio-économiques pour créer des expositions différenciées aux polluants plastiques. Les femmes dans les pays en développement, notamment travaillant dans l’industrie textile, électronique, de recyclage des déchets « waste pickers », subissent des expositions professionnelles importantes à ces substances chimiques dangereuses.
Dans les groupes à faibles revenus, l’accès limité à des alternatives plus saines (aliments frais, produits sans plastique, cosmétiques naturels…) accentue l’exposition aux substances préoccupantes. Les femmes, souvent responsables des achats domestiques et de l’alimentation familiale, font face à des choix contraints par les ressources économiques disponibles.
WECF reste mobilisée
Les enjeux de la pollution plastique ne peuvent pas être abordés de manière neutre du point de vue du genre. L’urgence de ces enjeux sanitaires genrés a été cruellement illustrée par l’échec des négociations du traité mondial contre la pollution plastique.
En s’engageant sur la lutte mondiale contre le plastique, WECF poursuit sa mobilisation pour la reconnaissance des vulnérabilités spécifiques des femmes et des enfants aux substances chimiques et des inégalités d’exposition.
La planète, la santé publique et les générations futures ne peuvent pas attendre.