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Colloque international perturbateurs endocriniens à Paris : quelles nouvelles?

Les 21 et 22 janvier a lieu le second colloque du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) – programme national français axé sur ces substances qui perturbent le système hormonal et sont aujourd’hui mises en cause dans un grand nombre de pathologies.

La 1ère édition avait lieu en 2012, avant que la France ne lance sa stratégie nationale perturbateurs endocriniens. 3 ans après, les données scientifiques issues d’équipes de recherche du monde entier et accumulées sur les effets variés des PE (neurodéveloppement, système immunitaire, reproduction, fécondité, diabète, effets des mélanges, etc.) sont encore plus nombreuses. On comprend bien que la ministre de l’écologie Ségolène Royal ait donc annoncé lors de ses vœux à la presse puis en ouverture de la manifestation vouloir faire de la santé environnementale et des perturbateurs endocriniens en particulier une priorité de son ministère en 2016. Alors que le dossier n’en finit plus de traîner au niveau européen, les initiatives conjointes d’Etats membres tels que la France, le Danemark la Suède et d’autres sont devenues indispensables pour assurer une protection adéquate de la santé des populations et des écosystèmes contre les effets de ces substances.

« Un calendrier opérationnel » sur les perturbateurs endocriniens: l’ambition de la ministre de l’écologie

Dans son discours d’ouverture du colloque, la ministre de l’écologie et du développement durable Ségolène Royal a réaffirmé, comme elle l’avait fait lors de ses vœux aux acteurs de le 13 janvier que la santé environnementale est l’une de ses priorités. Elle a également mentionné des éléments qui sont de première importance pour elle, à savoir la démocratie environnementale, le soutien à la substitution des substances chimiques préoccupantes et la nécessité de voir l’information qui dérange circuler. Elle a insisté sur le travail engagé avec ses partenaires européens pour débloquer le dossier des perturbateurs endocriniens et dit vouloir aboutir à un « calendrier opérationnel ». Alors que la Commission européenne a bloqué le dossier, on compte sur les Etats membres pour faire pression sur elle pour l’obliger à agir et avancer dans le retrait du marché de composés identifiés comme dangereux pour la santé – qui étaient au cœur du colloque des 21 et 22 janvier.

Des données scientifiques du monde entier sur les effets nombreux et complexes des perturbateurs endocriniens

Qu’il s’agisse des équipes de recherche européennes – Danemark, Royaume-Uni, France, Allemagne, Suède, Espagne, Suisse, etc. – ou d’équipes du monde entier, les scientifiques soulignent tous dans leurs publications et leurs recherches la complexité des mécanismes d’action des substances PE, seules ou en mélanges, et également la grande variété des effets potentiels de ces substances. Leur contribution à l’obésité ou au diabète – le diabète touchant 380 millions de personnes dans le monde, et touche 5,4% de la population française – qui sont devenues de véritables épidémies ont été notamment soulignées. Il a été souligné par exemple que les femmes avec une obésité viscérale ont plus de perturbateurs endocriniens dans les graisses que les autres, l’obésité viscérale étant un facteur de diabète de type 2.

Les bisphénols: une famille à problèmes

Le bisphénol A – qui à lui seul est l’objet de pas moins de 10000 publications a été mis en cause par plusieurs chercheurs: interférence avec le métabolisme du glucose, impacts sur le système immunitaire au niveau intestinal et systémique en cas d’exposition périnatale, rôle dans les troubles du neurodéveloppement en cas d’exposition précoce. Les substituts du bisphénol A – BPS, BPF et BPAF par exemple- ont fait l’objet d’une présentation montrant que le BPS par exemple peut avoir des effets sur les fonctions reproductives et la croissance pondérale. Entre 1000 et 10 000 tonnes de BPS seraient produites en Europe chaque année. Lors de son intervention, une chercheuse a mentionné les effets des polluants chimiques sur la baisse de la fécondité et rappelé l’appel lancé par la Fédération Internationale des Gynécologues Obstétriciens en octobre dernier, en faveur de la prévention des expositions à des polluants chimiques environnementaux.

Perturbateurs endocriniens: quels coûts?

Puisque dans tous les dossiers, l’argent est le nerf de la guerre, intégrer la dimension des coûts économiques et sanitaires des perturbateurs endocriniens dans les débats peut s’avérer un levier décisif en termes de décisions. A ce titre, l’intervention du Pr. Leonardo Trasande, de l’Université de New York, a été particulièrement instructive. Il est l’auteur d’une estimation des coûts des maladies liées aux perturbateurs endocriniens en Europe, parue il y a quelques mois. Selon ces travaux, menés sur deux jours, par un panel d’experts en 2014, ces coûts seraient de 157 milliards d’euros annuels, pour un ensemble de 13 pathologies chroniques pour lesquelles il existe des données scientifiques solides d’association avec des perturbateurs endocriniens. Ces chiffres concernant moins de 5% des PE, le chiffre pourrait en fait s’élever à 269 milliards d’euros.

Perturbateurs endocriniens: 2016, l’année où la Commission européenne va se mettre en conformité avec la loi?

En conclusion, le Pr Andreas Kortenkamp de l’Université de Brunel a rappelé le contexte réglementaire inédit et inacceptable du dossier des PE: la Commission européenne refuse de respecter… la loi! En effet, condamnée par la Cour de justice de l’UE pour ne pas avoir adopté des critères de définition des PE en décembre 2013, comme le prévoyait la loi, la Commission ne réagit pas: elle maintient l’étude d’impact (imprécise) annoncée. Cette situation est le fruit d’un important travail de lobbying du secteur industriel de la chimie, notamment l’entreprise Bayer mentionnée par le Pr Kortenkamp, et notamment dénoncé dans un livre de la journaliste Stéphane Horel qui suit ce dossier de près depuis des mois. Que reste t-il donc à faire pour la gardienne des traités qu’est la Commission européenne? Simple, répond le Pr Kortenkamp: se mettre en conformité avec la loi! Et pourtant…cela ne semble pas évident.