L’Assemblée nationale a adopté ce jeudi en première lecture un texte basé sur la proposition de loi de la députée Laurence Abeille sur les champs électromagnétiques (CEM). On assiste ainsi à la naissance législative du principe de « modération » ou dit encore de « sobriété »: certes des mesures pour « modérer » certaines expositions sont prévues, mais le texte ne veut aucunement contrarier le déploiement des technologies: à vouloir ménager la chèvre et le chou, les mesures prises, alors que les sources d’expositions à des CEM de fréquences variées sont déjà nombreuses, risquent de ne pas être à la hauteur des enjeux.
« Modérer les expositions… tout en déployant les technologies »
Ironie du sort, les auteurs du rapport « Développement des usages mobiles et principe de sobriété » , remis au Premier Ministre fin 2013, résumaient ainsi leurs travaux en page 5 : « « Développement des usages mobiles et principe de sobriété » : le titre que nous avons choisi pour ce rapport résonne comme une contradiction dans les termes. Le fantastique essor d’une technologie d’un côté, avec ses promesses multiples, dans la vie des gens et la marche de l’économie ; l’idée de la mesure, de la pondération, d’un principe de régulation équilibrée, d’un autre côté. » Pour le coup, on ne saurait les contredire!
Le texte de loi qui notamment modifie le Code des postes et télécommunications électroniques ne dit rien de moins : » La mise en œuvre de l’objectif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques s’effectue dans le cadre d’une procédure de concertation et d’information du public, tout en permettant le déploiement des réseaux de communications électroniques sur l’ensemble du territoire. »
Enfants: moins de 3 ans, moins de 14 ans…des mesures de limitation des expositions variables
Lors de son discours devant les députés , le Ministre de l’Ecologie Philippe Martin a indiqué que « Les dispositifs dédiés aux enfants de
moins de 6 ans, notamment ceux appelés les « doudous communicants », sont actuellement à l’étude par l’ANSES« ;
Le Code de la Santé publique est également visé par des modifications:
- Interdiction de la toute publicité pour promouvoir la vente, l’usage […] d’un équipement terminal radioélectrique […] envers des enfants de moins de 14 ans;
- Mention obligatoire sur toute publicité de manière claire, visible et lisible que l’usage d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux CEM est recommandé. En 2011, la Dr Annie J. Sasco, membre du comité d’experts de WECF France, déclarait ainsi à la BBC que « Le téléphone mobile représente un risque pour les tumeurs du cerveau et nous avons déjà des données épidémiologiques substantielles qui montrent que le risque de gliome, une tumeur du cerveau bien souvent fatale, double chez les utilisateurs de téléphone portable sur plus de 10 ans« .
- Fourniture, lors de la vente et sur demande de l’acheteur, d’un accessoire pour limiter l’exposition de la tête aux CEM;
- mise en place d’une politique de sensibilisation et d’information sur l’usage « responsable et raisonné » des terminaux mobiles et des précautions d’utilisation des appareils avec radiofréquences;
- Interdiction du wifi dans les crèches et établissements d’accueil des moins de 3 ans;
- Autorisation du wifi dans les écoles primaires mais désactivation en cas de non utilisation pour des activités pédagogiques.
Le principe de précaution, remplacé par un étrange » principe de modération »?
Pour Elisabeth Ruffinengo, responsable plaidoyer pour WECF France: » Il est bien étrange, dans un domaine comme celui des champs électromagnétiques, dits et classés comme « risques émergents » de voir surgir un « principe de modération » ou encore « principe de sobriété », qui n’a à ce jour aucune définition juridique et n’est ancré dans aucune pratique. Au contraire du principe de précaution, à valeur constitutionnelle, reconnu non seulement au plan national mais également européen et international: faire usage du principe de précaution serait tout à fait logique dans le domaine des CEM. Pourquoi donc aller chercher une « modération » si ce n’est pour jeter le trouble et modérer le mécontentement des opérateurs qui vont – enfin – devoir rendre quelques comptes aux populations exposées? ».
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