Skip to main content
spa Objectifs de Développement Durable Santé-environnement

Covid-19 N° 5 : la biodiversité est bonne pour la santé

Covid-19 N° 5 : la biodiversité est bonne pour la santé Dans notre numéro 5 autour de l'épidémie de Covid-19, nous allons nous intéresser aux liens entre biodiversité et santé. En effet, alors que l'origine du virus causant le Covid-19 est à ce jour encore assez floue, de nombreux spécialistes interpellent régulièrement sur les risques liés à la destruction humaine de la biodiversité en matière d'émergence de nouveaux virus. Plus largement, les sociétés actuelles sont centrées exclusivement sur l'être humain au détriment des écosystèmes, et s'attachent à marchandiser la nature, qu'il s'agisse d'espèces sauvages d'animaux, de déforestation à grande échelle, etc. Les conséquences indirectes pour la santé humaine deviennent de plus en plus visibles.

La biodiversité, facteur de bonne santé

De nombreux chercheurs et chercheuses s’intéressent aux liens entre le déclin de la biodiversité et la santé humaine: c’est le cas de Lorraine Maltby, de l’Université de Sheffiled (Royaume-Uni) qui était intervenue lors du colloque des 10 ans de Wecf France en 2018. Elle partageait notamment une étude du WWF parue la même année, établissant que l’espèce humaine avait anéanti 60% des populations d’animaux depuis 1970. Du côté des insectes c’est l’hécatombe : une étude menée en Allemagne montre que 3/4 des insectes volants des réserves naturelles du pays ont disparu au cours des 25 dernières années. Au cours de son intervention, la chercheuse soulevait aussi plusieurs facteurs essentiels influençant la santé : la présence de nature et d’espaces verts, et le type d’utilisation des terres. Sans surprise, une baisse de la production agricole et un recours accru aux importations de produits alimentaires déplace les impacts environnementaux dans les zones agricoles des pays exportateurs.

Zoonoses : de l’animal à l’humain

Les zoonoses sont des maladies qui parviennent à l’espèce humaine via l’animal. Cela serait le cas du Covid-19. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) rappelait récemment quelques chiffres et éléments à ce sujet:

  • 60% environ des maladies infectieuses, définies comme des causées par des micro-organismes pathogènes, tels que les bactéries, les virus, les parasites ou les champignons, et se transmettant directement ou indirectement d’une personne à l’autre, sont des zoonoses,
  • Plus de 75% des maladies infectieuses émergentes également,
  • Au cours des dernières décennies, on peut citer pèle-mêle: le virus Ebola, la grippe aviaire, le MERS, le SRAS, le virus Zika et maintenant le coronavirus Covid-19,
  • Les interactions homme/bétail/faune sauvage sont en cause, dans la transmission de ces maladies,
  • L’activité humaine sur l’environnement cause une perturbation qui facilite l’émergence des zoonoses: exemple, les virus associés aux chauve-souris sont apparus suite à la perte de leur habitat lié à une déforestation et une expansion agricole,
  • Qu’il s’agisse de marché d’animaux sauvages, ouverts et mélangés avec des animaux domestiques, d’élevages intensifs, de déforestation ou d’agriculture intensive, d’urbanisation galopante, de croissance rapide de population, tous ces changements contribuent à favoriser l’émergence de ces virus.

Pour aller plus loin, Brian Bird, virologue à l’Ecole de médecine vétérinaire Davis de l’Institut One Health (Université de Californie) souligne que les risques ont toujours existé, et se sont accentué et que ce sont les interactions humaines avec eux qui doivent changer : les maladies voyagent aujourd’hui plus vite et plus loin qu’auparavant, les réponses doivent donc être plus rapides: investissements, changements de comportements, etc. sont à mettre en oeuvre rapidement. Intégrer les communautés concernées, et notamment les chasseurs, trafiquants, vendeurs et consommateurs d’animaux sauvages est essentiel. On pourrait également ajouter que ces trafics pointent également vers de riches acheteurs disséminés sur l’ensemble du globe, qu’il s’agisse de peaux de reptiles, écailles de pangolin, ivoire, biles d’ours, etc.

Quant à Jane Goodall, la célèbre primatologue et anthropologue, elle déclarait récemment dans une interview au sujet du Covid-19 :  » Nous devons comprendre que nous faisons partie du monde naturel, que nous en dépendons, et qu’en le détruisant, en fait, nous volons l’avenir de nos enfants. J’espère qu’en raison de cette riposte sans précédent, ces confinements partout dans le monde, plus de gens vont se réveiller, commencer à penser des façons dont ils pourraient vivre différemment leurs vies.  »

Les pays concernés notamment en Asie et dans certains pays d’Afrique parviendront-ils à fermer certains marchés d’animaux sauvages ou domestiques? Quid du modèle occidental moderne des supermarchés et des élevages intensifs qui ne vaut guère mieux en matière de protection des espèces? Les mobilisations devront sans aucun doute être fortes et sur le long-terme pour aboutir: elles ne sauraient se passer d’un accès des populations locales à une alimentation locale, saine et suffisante, qui les éloignerait de l’appât que représente le trafic d’espèces sauvages telles que le pangolin qui se monnaye à prix d’or. Etre humain et animal: la réconciliation à l’horizon?

Puisque biodiversité va aussi avec changement climatique, impossible de ne pas mentionner la fonte du pergélisol (permafrost en anglais), cette couche de sol gelé en permanence depuis des dizaines de milliers d’années, qui se dessine à l’horizon. La communauté scientifique s’inquiète, outre la libération massive de gaz à effet de serre qu’elle entraînerait, de la libération de virus et bactéries congelés et conservés, dont on ignore pour certains la dangerosité pour l’humain. En 2016, dans une région reculée de Russie, une épidémie d’anthrax liée à la libération de la bactérie à partir de la décongélation d’un cadavre de renne décongelé avait ainsi causé la mort de plus de 2000 rennes, mais également 72 contaminations parmi la population locale, et le décès d’un enfant de 12 ans.

Sources:

Six faits qui soulignent le lien entre nature et coronavirus, Programme des Nations Unies pour l’Environnement, 8 avril 2020, https://www.unenvironment.org/fr/actualites-et-recits/recit/six-faits-qui-soulignent-le-lien-entre-nature-et-coronavirus

Destruction of habitat and loss of biodiversity are creating the perfect conditions for diseases like Covid-19 to emerge, Ensia, 17 mars 2020, https://ensia.com/features/covid-19-coronavirus-biodiversity-planetary-health-zoonoses/

Faut-il craindre a résurgence de virus et de bactérie disparus, avec le dégel du permafrost ? La Croix, décembre 2019, https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/Faut-craindre-resurgence-virus-bacterie-disparus-degel-permafrost-2019-12-02-1201064004

Russie, décès d’un enfant contaminé à l’anthrax, Ouest France, août 2016, https://www.ouest-france.fr/europe/russie/russie-deces-dun-enfant-contamine-lanthrax-4398305

Biodiversity loss : which impacts on health? Lorraine Maltby, University of Sheffield, intervention lors du colloque des 10 ans de Wecf France, 22 novembre 2018

Interview de Jane Goodall, avril 2020, https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/documentaires/coronavirus-les-humains-doivent-cesser-de-mepriser-la-nature-alerte-l-anthropologue-jane-goodall_3910507.html?fbclid=IwAR1C1dUltZGeemNPBlaxql-K2H3SdoBmptjT-Cr_JJcHoM-1xUCwm0VRGfA