A l’origine des contaminations
Que dit la réglementation?
L’oxyde d’éthylène est un biocide utilisé pour prévenir la contamination microbienne de certains produits, tels que les épices, graines, assaisonnements et produits alimentaires. Son usage dans les pesticides est interdit, mais autorisé dans les biocides dans certains cas. Classé CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique), son ingestion à petites doses sur le long terme peut poser problème. Les graines de sésame sont stockées lors du stockage, pour éviter le développement des bactéries de type salmonelles.
La limite maximale de résidu (MLR) autorisée d’oxyde d’éthylène dans des graines de sésame vendues dans l’UE (donc importées) est de 0,05 mg/kg, soit le seuil de quantification/détection de la substance. Les contaminations recensées vont bien au-delà, avec des taux jusqu’à 1000 fois supérieurs.
Les produits importés d’Inde au cœur du problème
Depuis plusieurs années, les produits en provenance d’Inde font l’objet de demandes pressantes de la Commission européenne en matière d’hygiène. En cause, des contaminations par des salmonelles, des résidus de matières non sensés se trouver dans les graines, etc. mis en évidence dans les 5 ou 6 dernières années. L’UE a donc fait pression pour que l’Inde respecte mieux les exigences sanitaires …. ce qui aurait conduit à un recours massif à l’oxyde d’éthylène. Ou comment passer de Charybde en Scylla!
Quels sont les produits concernés?
Au moins une cinquantaine de pays concernés
C’est de Belgique qu’est venue l’alerte, en septembre 2020 : en effet, le plat pays est la porte d’entrée principale des importations de sésame indien, suivi par les Pays-Bas. En octobre, 24 pays de l’UE et 7 pays tiers étaient ainsi concernés. Or, depuis cette date, le nombre de pays concernés dans le monde semble s’être multiplié. Si la pratique en cause a cours sur l’ensemble du sésame exporté, pourquoi en serait-il autrement?
De nombreux produits et plus de 3000 tonnes de sésame contaminés
- Les signalements de contaminations concernent pas moins de 3000 tonnes de sésame. Or, selon la Commission européenne, l’UE importe 60 000 tonnes de graines de sésame d’Inde chaque année. Combien sont passées à travers les mailles du filet? D’autant que les signalements se poursuivent en janvier 2021.
- La moitié des produits en question sont bio.
- La DGCCRF (Direction générale de la concurrence et de la répression de fraudes) recense et met à jour régulièrement les listes de produits rappelés: farines, fromage, graines, houmous et tartinables, plats préparés, pains, purées de sésame, céréales, burgers, confiseries, épices, biscottes. Un véritable inventaire à la Prévert!
Quelles sont les mesures prises pour éviter cette contamination ?
Mesures des autorités et alternatives à l’oxyde d’éthylène
Du côté des autorités :
- Contrôles accrus des graines de sésame importés d’Inde, allant jusqu’à 50% lors de l’entrée sur le territoire de l’UE. Quid de toutes les autres épices et graines, potentiellement concernées?
- Améliorer les capacités de contrôles des laboratoires, via un partage entre tous les laboratoires nationaux de référence, pour développer des méthodes analytiques de détection officielles,
- Poursuivre le retrait de tous les produits signalés avec des taux supérieurs à ceux autorisés par la réglementation.
Traitements biocides, dépendance des exportations… quelle alimentation?
Le traitement de stocks alimentaires transportés sur de longues distances et devant tenir dans la durée, pose la question de la dépendance alimentaire de denrées produits loin du lieu de consommation, difficilement contrôlables, et produits dans des conditions tout à fait différentes de celles en vigueur au sein de l’UE . Les services des douanes et des contrôles seront-ils en mesure de contrôler un tel flux? Cibler un risque peut le faire disparaître … tout en en créant un autre indirectement.
L’usage de biocides (traitements chimiques) pour traiter ces denrées périssables sujettes au développement de bactéries pose question. Des méthodes alternatives non chimiques et non risquées pourraient être mises en œuvre. Ainsi, du côté des transformateurs de produits contenant du sésame, une marque bio indique que le sésame qu’elle importe est soumis à une décontamination alternative, avec un procédé n’incluant pas l’usage d’oxyde d’éthylène. Mais cette méthode sera t-elle adoptée plus largement en Inde, principal exportateur vers l’UE?
Le modèle alimentation mondialisé a de nombreux écueils, et un recentrage sur des produits plus sains et locaux pourrait réduire ces risques, et également réduire la dépendance aux exportations des pays producteurs.
Sources :
DGCCRF, Avis de rappel de produits contenant du sésame, 26 janvier 2021, https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/avis-de-rappel-de-produits-contenant-du-sesame
https://www.foodsafetynews.com/2020/10/eu-toughens-rules-for-sesame-seeds-from-india/