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Santé-environnement

Réflexions autour de la crise du covid-19

Nous sommes entrés/entrées dans une crise sanitaire inédite, qui interrogera nécessairement nos modèles de sociétés. Devant les messages de la communauté scientifique et médicale et ses analyses de la situation, qui évolue chaque jour, il est intéressant de lancer quelques réflexions. Ce lundi 16 mars a été annoncée une nouvelle très forte réduction des déplacements à laquelle il ne manque de confinement que le nom. Tant la France que d'autres pays, notamment européens voisins, et au-delà, prennent des mesures similaires, visant à freiner le développement de l'épidémie. A la crise sanitaire, s’ajoutent des crises économique et sociale, qui toucheront en premier lieu les plus fragiles. La panique et la peur ne sont pas bonnes conseillères. Chacun et chacune doit agir de manière responsable.

Changer de modèle économique et social : vers une mondialisation atténuée et un retour du local ?

Sans aucun doute, la crise sanitaire annonce dans son sillage et dès maintenant une crise économique, et donc sociale. L’ancien directeur de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) Pascal Lamy, pourtant chantre de la mondialisation, parle lui de crise “humanitaire et sociale”. Tous les acteurs, à tous les échelons, sont concernés. Cette crise nous dévoile s’il était encore besoin la fragilité de notre modèle de société, mondialisé, où tout le système s’écroule par l’effet domino. La libre-circulation des personnes et des biens, devenue si banale, est aussi à double tranchant, lorsqu’elle est faite sans conscience ni précaution. Cette crise impose de renforcer l’indépendance des systèmes, notamment de la production alimentaire, où que ce soit, en relocalisant et créant des emplois dans les territoires, en France notamment. Elle dit aussi le besoin de cesser de détruire les modèles ruraux qui assurent une vie locale et une indépendance alimentaire, partout dans le monde où ils sont encore existants. Enfin, améliorer la qualité de notre alimentation pour la rendre à nouveau saine, dans une démarche de prévention, permettra de mieux nous protéger face aux maladies.

Covid-19 : au-delà de la crise sanitaire, un levier pour agir sur les pollutions environnementales et le dérèglement climatique?

Qui dit confinement, par exemple dans la zone de Wuhan, épicentre de l’épidémie en Chine, dit également baisse drastique de la pollution de l’air, et donc réduction des risques qui y sont liés – 48 000 morts par an en France pour mémoire. Mais la tendance pourrait être vite inversée, avec de récentes annonces en Chine d’un abaissement des règles environnementales pour rattraper les retards de production de la période de confinement. La pollution de l’air n’est pourtant que l’expression d’une pollution chimique généralisée des sols des eaux, et des organismes vivants. En 2008, la crise économique et financière a eu pour conséquence une réduction de la production de substances chimiques dangereuses pour la santé ou l’environnement, repartie à la hausse dès la crise passée. Car notre modèle économique est d’une part celui d’une dépendance vis-à-vis de substances chimiques dangereuses, qui finissent pour une large majorité par polluer notre environnement quotidien et nous rendre malades, et d’autre part la cause de dérèglements climatiques, qui impactent déjà lourdement les pays du Sud, plus exposés. Quand avons-nous accepté de payer collectivement le prix de ce modèle – en vies humaines, maladies, handicaps, perte de la qualité de vie, etc. ?La crise du Covid-19 devrait être un catalyseur pour nous engager dans une transition globale vers une nouvelle société, plus résiliente. Une alimentation de meilleure qualité, qui renforce notre système immunitaire, alliée à une augmentation de l’activité physique et une réduction des pollutions environnementales, sont des mesures de prévention dont les effets seraient visibles à moyen et long terme. Mais n’est-il pas temps d’en faire des priorités ?

Animaux sauvages : le sursis ?

Parler d’« environnement » relève d’une vision plaçant l’humain au centre. Tellement, qu’on en oublie les animaux sauvages : la crise du Covid-19 viendrait-elle par un effet boomerang nous rappeler le respect que nous leur devons ? Le pangolin, petit mammifère chassé pour ses écailles (plus de 123 tonnes d’écailles saisies par an en Chine) et sa chair, déjà en voie d’extinction en Chine, et importé d’Afrique, est pointé du doigt comme “hôte intermédiaire” potentiel du Covid-19. Comme l’ont expliqué des scientifiques, le Covid-19 est un virus de la famille des coronavirus, plus d’une centaine de virus animaux, dont les chauves-souris sont un réservoir naturel. Pour qu’il puisse contaminer l’humain, le virus doit muter en passant via un hôte intermédiaire – un autre animal – qui permette de franchir la barrière des espèces. Quoi qu’il en soit, l’épidémie de Covid-19 a poussé la Chine à annoncer l’interdiction fin février du commerce et de la consommation de tous les animaux sauvages : cette mesure devrait permettre aux animaux sauvages d’être épargnés par la prédation de l’espèce humaine pour un temps seulement?

Retrouver le sens de la responsabilité et des solidarités

En période de crise, les comportements irrationnels sont compréhensibles. Nous constatons ces derniers jours des éléments signes des temps individualistes que nous vivons. Le développement des smartphones, la demande incessante de “droits” sans aucune contrepartie de devoirs, y serait-elle pour quelque chose? Pas de pénurie alimentaire, de carburants ou d’autres denrées n’a été annoncée, pourtant, nous constatons des rayons vides, avec parfois des stocks absolument disproportionnés faits par certains/certaines. Ces comportements, tout autant que le non-respect des consignes de confinement, sont à l’opposé de la responsabilité individuelle, et de la solidarité envers ceux et celles qui en ont besoin. A l’opposé, les personnels médicaux, soignants, infirmières – profession largement féminisée – mobilisées/mobilisés pour faire face à l’épidémie, assument leurs responsabilités, comme d’ailleurs en temps “normal” dans un système de soins dont chacun a pu constater qu’il était en manque flagrant de moyens. Responsables, et solidaires de l’ensemble des malades, elles et ils sont tout désignées/désignés pour nous montrer l’exemple. De même que l’ensemble de la communauté scientifique et des chercheurs/chercheuses à pied d’œuvre pour travailler sur le Covid-19.

Un dernier mot sur le champ lexical guerrier auquel a eu recours le Président de la République lors de sa dernière allocution : “guerre”, “front” ont notamment été prononcés. Choix discutable, mais qui dénote la gravité de la situation, et cherchait peut-être à assurer une discipline collective : ne devrait-on pas dans ces circonstances exceptionnelles faire preuve d’exemplarité, notamment pour les plus jeunes ? Enfin, relativisons les choses, en pensant aux nombreuses populations qui souffrent de catastrophes climatiques, conflits armés, etc. ce depuis des années, ou n’ont pas la chance de vivre dans des zones assurant tout le confort et le luxe que nous connaissons. Pour eux, la crise est quotidienne. Pour l’instant, l’effort qui nous est demandé est bien mince : rester chez soi. Gageons que nous saurons être à la hauteur, avant de nous lancer dans le défi de transformation de nos sociétés qui nous attend.