Qualifié par le Président de la République comme « l’un des textes les plus importants de son quinquennat », ce projet de loi ne répond pourtant pas aux questions posées au début du débat énergie lancé en 2013: « Quelle énergie dans 10, 20, 30 ou 40 ans ? Quels sont les investissements nécessaires aujourd’hui ? Comment développer les énergies renouvelables ? Comment optimiser au maximum nos consommations, et utiliser au mieux l’énergie disponible ? Telles étaient les principales questions sur lesquelles tous les Français avaient été invités à débattre.
Devant l’immobilisme du gouvernement, le RAC et 8 autres organisations ont présenté début 2014 leur « Vrai projet de loi », reprenant pour près de 80% des actions consensuelles tirées du débat.
Malheureusement, le RAC constate que peu de ces mesures seront reprises dans le projet de loi actuel.
Pour Anne Bringault, qui coordonne les ONG sur la transition énergétique, « le projet de loi ne répond pas à la commande initiale qui était d’identifier une trajectoire claire et des mesures concrètes pour orienter massivement la France vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. La question de la place du nucléaire a encore sclérosé le Gouvernement qui, faute de trancher, renvoie les décisions qui s’imposent aujourd’hui à plus tard et empêche les alternatives de se développer ».
DES OBJECTIFS ABSENTS OU TROP FAIBLES POUR FAIRE DE LA FRANCE LA NATION DE L’EXCELLENCE ENVIRONNEMENTALE
Certes, le projet de loi reprend l’objectif de diviser par deux la consommation d’énergie en France à l’horizon 2050. Cependant, aucun objectif d’économies d’énergie n’est fixé à une échéance plus courte, 2030, pourtant déterminante pour orienter les investissements d’aujourd’hui.
Dans le domaine des énergies renouvelables, si l’inscription dans le projet de loi d’un objectif de développement pour 2030 représente une avancée, son niveau, 32%, est clairement insuffisant. Il signifie qu’entre 2020 et 2030, le rythme de développement des énergies renouvelables sera moins important que le rythme qu’il est censé atteindre entre aujourd’hui et 2020 pour respecter l’objectif fixé pour la France au niveau européen (23%).
Si l’objectif de réduction de la part de l’électricité nucléaire, de 75% à 50% en 2025, figure bien dans le projet de loi, aucun élément concret et contraignant permettant d’acter une réduction effective – et non relative – de la part du nucléaire n’a été acté. Autre renoncement : le projet de loi n’inscrit pas une limitation stricte de la durée de fonctionnement des réacteurs, accompagnée d’un mécanisme de fermeture des centrales nucléaires pour des raisons de pilotage de la politique énergétique. L’Etat laisse donc à EDF les clés de la transition énergétique alors que le parc nucléaire vieillit et que ses coûts de prolongation s’annoncent prohibitifs.
Enfin, en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le projet de loi acte un objectif de -40% pour 2030 mais, contrairement à ce qui était prévu jusqu’ici, pour l’Union européenne seulement. L’objectif français sera quant à lui défini ultérieurement, au sein des budgets carbone prévus par la loi. En outre, le -40% au niveau européen est une simple reprise de l’objectif proposé par la Commission européenne, qui, du fait de sa faiblesse, privera l’Europe de son rôle de leader qu’elle a pu tenir par le passé dans l’enceinte des négociations internationales sur le climat.
« De la part d’un pays qui a décidé d’accueillir en 2015 la conférence décisive des Nations Unies sur les changements climatiques, ce projet de loi est loin d’être exemplaire. Il ne fixe même pas un objectif national de réduction des gaz à effet de serre pour 2030. Comment la France espère entraîner en 2015 les autres pays vers un nouvel accord mondial si, pour elle-même, elle est incapable de s’engager de manière ambitieuse ? », s‘interroge Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat.
L’ABSENCE DE MESURES CONCRETES POUR GARANTIR LA TRANSITION ENERGETIQUE
Au-delà de la fixation d’objectifs clairs, le RAC attendait des mesures concrètes.
A cet égard, le projet de loi apporte encore peu de réponses : les mesures dans le secteur des transports, qui dépend pourtant pour près de 100% du pétrole et qui est le premier contributeur en France des émissions de gaz à effet de serre, sont limitées au seul développement des véhicules électriques ignorant les autres options technologiques et surtout, les alternatives au transport routier.
Le gisement énorme d’économies d’énergie dans le secteur du bâtiment risque de rester encore longtemps inexploité faute d’avoir inscrit un objectif ambitieux de niveau de performance énergétique à atteindre pour la rénovation du parc bâti. Par ailleurs, le RAC espère que l’obligation de rénovation des bâtiments anciens en cas de travaux lourds, promesse du Président de la République et qui figurait, jusqu’à présent dans le projet de loi, ne soit pas tombée aux oubliettes. La ministre a en effet évoqué lors de sa conférence de presse l’abandon de tout ce qui concernait des « obligations ».
Enfin, les outils financiers, indispensables pour rendre la transition énergétique opérationnelle, sont quant à eux renvoyés à la conférence bancaire et financière et au futur projet de loi de finances pour 2015. Pour que ce projet de loi devienne un véritable plan de bataille en faveur de la transition énergétique en France, nous invitons les acteurs associatifs, économiques, syndicaux, les collectivités à rejoindre la centaine d’organisations ayant signé l’appel « La transition énergétique est une chance ! », lancé aujourd’hui. Les premières signatures sont publiées sur le site www.transitionenergetique.org.
Contact :
Anne BRINGAULT, Coordination pour les ONG des activités sur la transition énergétique – 06 07 34 40 67 – anne.bringault@cler-rac.org
Réf: www.rac-f.org/Transition-energetique-tout-ca