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Le juge et le distilbène: début de reconnaissance pour les victimes de la 3ème génération exposée

Le juge et le distilbène: début de reconnaissance pour les victimes de la 3ème génération exposée En avril, Nesting revenait sur les recherches du professeur Charles Sultan sur les dommages causés à la troisième génération de femmes exposées au au DES (distilbène). Il y a quelques jours, la Cour d'Appel de Versailles confirmait la condamnation d'un laboratoire ayant commercialisé du DES jusqu'en 1977: ce dernier devra verser 1,7 million d'euros à la victime, un jeune homme d'une vingtaine d'années lourdement handicapé, dont la grand-mère avait consommé du DES.

Le DES: rappels


Le DES est un médicament développé dans les années 30 pour ses propriétés d’imitation de l’action des œstrogènes naturels. Considéré comme un remède miracle contre les fausses couches et les troubles de la grossesse, le DES sera prescrit pendant plus de 30 ans à des femmes enceintes dans le monde entier. Ce n’est que plus tard que la prise de DES par la femme enceinte, en particulier à une certaine période de la grossesse, a été associée au risque de développer un cancer rare de l’appareil reproducteur féminin. En France, il a été prescrit jusqu’en 1977. C’est la troisième génération exposée qui réclame aujourd’hui réparation devant le juge.

Rappel de l’affaire


La victime est un jeune homme né grand prématuré et souffrant d’un handicap lourd, dont la grand-mère a consommé du DES. En 2009, il avait déjà obtenu gain de cause en première instance devant le tribunal de grande instance de Nanterre, qui avait reconnu l’existence du préjudice de l’enfant victime, estimant qu’en « méconnaissant les avertissements contenus dans la littérature médico-scientifique de 1939 à 1962, les laboratoires ont manqué à leur obligation de vigilance, attitude constitutive d’une faute de nature à engager leur responsabilité ». C’est 2 millions d’euros que la firme avait dû verser à la victime. La cour d’Appel de Versailles, en confirmant cette décision, donne un espoir nouveau aux victimes.

Le rôle du juge dans la reconnaissance des droits des victimes


Dans cette affaire, en effet, le juge est un précurseur. Comme c’est le cas pour son homologue communautaire – la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) – le juge interprète ici des dispositions législatives de manière à affirmer un droit nouveau, découlant et dérivé des dispositions déjà établies par la loi.
Car le droit des victimes transgenérationnelles d’une exposition à des produits ou substances (chimiques) n’est pour l’instant pas reconnu par le législateur français. C’est donc une porte que le juge souhaite ici ouvrir pour répondre aux défis de santé publique de notre XXIème siècle.

Le juge emboîte ici le pas à la communauté scientifique, dont les études en laboratoire, de plus en plus nombreuses, soulignent l’impact des polluants sur les descendants des animaux exposés (c’est le cas par exemple du Bisphénol A) – or les effets constatés sur les animaux sont très souvent similaires à ceux que l’on retrouve chez l’être humain. Couplées aux résultats issus des études menées sur les populations exposées à des polluants divers (études dites « épidémiologiques »), ces données plaident en faveur d’une prise en compte de cette problématique en santé publique: on ne peut que féliciter le juge d’avoir été attentif à la situation des victimes de la 3ème génération, et espérer qu’il poursuivra dans cette voie. Car si le DES est un médicament dont la dangerosité est unanimement reconnue, il n’en est pas de même pour d’autres substances ou produits, pour lesquels les liens de causalité avec des pathologies diverses sont plus difficiles à établir.

En savoir plus:
le site de l’association française des victimes du DES