C’est une nouvelle qui arrive à point nommé, alors que se déroule la 10ème édition de la Semaine pour les alternatives aux pesticides : le CIRC – organisme en charge du Cancer au sein de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) – vient de revoir la classification de 5 insecticides et herbicides de la famille des organophosphorés: glyphosate, malathion, diazinon, tetrachlorvinphos et parathion. Vous connaissez forcément l’un d’entre eux, tristement célèbre pour être l’ingrédient actif du Roundup, l’herbicide commercialisé par Monsanto notamment, mais également très utilisé dans de nombreux autres herbicides, que vous aurez d’ailleurs pu voir dans de nombreux rayons de lieux de vente de pesticides et herbicides. Alors que le Professeur Gilles-Eric Séralini, lanceur d’alerte sur le thème des OGM, et ses équipes dénoncent depuis plusieurs années, recherches à l’appui les effets graves sur la santé du glyphosate et ses formulations, le CIRC nous annonce en 2015 que le glyphosate est « cancérogène probable pour l’Homme » (groupe 2A).
Le glyphosate, principe actif du tristement célèbre Roundup
Pour éviter la confusion, une petite précision: le glyphosate est ce qui s’appelle le « principe actif » du Roundup et autres formulations herbicides similaires: c’est cette substance qui donne au produit son « activité » d’herbicide. Mais le produit contient d’autres substances, des adjuvants. Pour une véritable évaluation du produit, il faudrait considérer la formulation entière, et pas le seul glyphosate.
Le glyphosate classé « cancérogène probable pour l’être humain »
L’herbicide glyphosate, comme les insecticides malathion et diazinon, est donc classé par le CIRC « cancérogène probable pour l’Homme » groupe 2A: il y a aujourd’hui un peu plus de 70 produits/substances classés dans ce groupe. Le cas du glyphosate est comment dire bien particulier. Nesting vous propose des extraits de l’article paru dans The Lancet Oncology (à retrouver ci-dessous en anglais) publié ce 20 mars 2015 par les membres du groupe de travail des monographies du CIRC – parmi lesquels le Dr Kathryn Guyton, qui avait participé en octobre dernier au colloque organisé par WECF à Lyon sur le cancer du sein et l’environnement. Elle précise le rôle du CIRC: « Le Programme des Monographies fournit des évaluations scientifiques basées sur une revue complète de la littérature scientifique, mais il reste de la responsabilité des gouvernements et des autres organisations internationales d’établir des réglementations, législations ou interventions de santé publique. » On les attend!
Le glyphosate: un usage mondial et massif lié au développement des OGM
D’après l’article paru dans le Lancet, le glyphosate est un herbicide à large spectre (comprenez qui a pour cible un très grand nombre et une grande variété d’organismes – comme le triclosan par exemple qualifié d’antibactérien à « large spectre ») qui a le plus gros volume de production de tous les herbicides (sic).
Il est utilisé dans plus de 750 produits différents en agriculture, foresterie, usages domestiques et citadins (re-sic!). Allez vérifier en magasin, les produits avec du glyphosate courent bien souvent les rayons (voir notre illustration lors d’une enquête sur les biocides et pesticides en magasin en mai 2014)!!
Le CIRC nous précise encore que « l’usage du glyphosate a augmenté de manière significative avec le développement des variétés génétiquement modifiées résistantes au glyphosate » (re-re-sic!). On en a détecté dans l’air au cours des pulvérisations, dans l’eau et l’alimentation: il est donc omniprésent.
Quels effets documentés chez les rongeurs, et même l’être humain?
Chez les rongeurs, le glyphosate :
- Favorise l’incidence d’une tumeur rare, le carcinome du tube rénal,
- est associé positivement avec l’hémangiocarcinome (une tumeur qui touche les vaisseaux sanguins),
- augmente l’adénome Langerhansien (type de tumeur du pancréas)
- une formulation de glyphosate favorise les tumeurs de la peau,
- induit (tout comme ses formulations) des dommages à l’ADN et aux chromosomes chez les mammifères, selon des tests in vitro sur des cellules humaines et animales,
- induit d’un stress oxydatif chez les rongeurs et in vitro par le glyphosate et ses formulations.
Chez l’être humain on constate:
- « des preuves limitées de la cancérogénicité du glyphosate« ,
- des risques plus élevés de lymphome non-hodgkinien selon des études de cas-témoins d’expositions professionnelles au glyphosate aux Etats-Unis, Canada et en Suède,
- la détection de glyphosate dans le sang et les urines de travailleurs agricoles, « ce qui indique une absorption » (sic),
- une augmentation des marqueurs sanguins des dommages faits aux chromosomes chez des résidents de plusieurs communautés après des pulvérisations de glyphosate.
L’analyse des membres du comité d’experts WECF France
Pour parfaire ce tableau, Anne-Corinne Zimmer, journaliste scientifique, ajoute qu’ « Une étude publiée le 24 mars dans le journal mBio de l’American Society of Microbiology montre que le glyphosate et deux autres herbicides (2,4-D et dicamba) accroissent et renforcent la résistance des bactéries, notamment celles combattues avec trois classes d’antibiotiques (dont les tétracyclines), parmi les plus utilisées dans le monde. » En 2012, lors d’une table-ronde que nous avons organisée, la Dr Annie J. Sasco, épidémiologiste du cancer qui a étudié à Harvard, travaillé plus de 20 ans pour le CIRC déclarait: « Nous (les humains) ne sommes peut-être pas comme des souris, mais face aux cancérogènes, nous réagissons comme elles. »
Alors, comment réagir, alors que de nombreux OGM, omniprésents dans les cultures au niveau mondial, sont dépendantes d’une substance reconnue cancérogène probable par une instance internationale? et également mise en cause pour d’autres effets et pas des moindres? Retirer du marché et stopper la commercialisation? [L’association Générations Futures a lancé une pétition portant sur le glyphosate que nous vous invitons à signer. ]
Elisabeth Ruffinengo, responsable plaidoyer WECF France