Le contexte
La Cour des comptes européenne rappelle quelques chiffres pour situer le contexte. 26% des eaux souterraines de l’UE ne sont pas considérées en « bon état chimique » et 60% des eaux de surface surface (rivières, lacs, eaux côtières et de transition) ne sont pas en bon état chimique et statut écologique. 2,8 millions de sites sont potentiellement contaminés dans l’UE, principalement par des activités industrielles et de stockage de déchets. La pollution de l’air, considérée comme le plus gros risque environnemental dans l’UE, a des effets néfastes sur la végétation et les écosystèmes. Le non-respect de la réglementation environnementale de l’UE s’élèverait à environ 55 milliards d’euros/an en coûts et pertes de profits.
Le principe pollueur-payeur
Le principe pollueur-payeur est né en 1972 au sein de l’OCDE (Organisation pour la Coopération Economique et le Développement). Il pose le principe de » l’internalisation des externalités environnementales négatives », soit le fait que le pollueur, et non le contribuable couvre les coûts liés à la pollution. Logiquement, la production de biens et services générant des pollutions doit avoir un coût, qui fait augmenter leur prix, incitant par ricochet le consommateur à se tourner vers des produits engendrant moins de pollutions, qui devraient être moins chers à l’achat. En 1992, la Déclaration de Rio des Nations Unies fait du principe pollueur-payeur l’un des 27 principes du développement durable. En 2007, le Traité de Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) précise que « La politique environnementale de l’Union [….] est basée sur […] les principes que […] le pollueur paye. »
Les instruments de mise en œuvre du principe pollueur-payeur
- Réglementations : procédures d’autorisation, interdictions, limites d’émissions, sanctions et décisions administratives,
- Instruments de marché : incitations financières, subventions/prix de rachat, impôts, permis et quotas, règles de responsabilité,
- Approches volontaires : engagements volontaires, systèmes de gestion environnementale (normes ISO etc.), étiquetage (écolabels, labels énergétiques etc.).
Dans l’UE, des fonds tels que le Fonds de cohésion et le programme LIFE financent notamment : traitement des eaux, la gestion des déchets, protection de la biodiversité et conservation de la nature, décontamination des sols, qualité de l’air, chapitre Environnement du programme LIFE.
Les constats
- Emissions industrielles (IED) : Le secteur industriel est à l’origine de + de 50% des émissions de certains polluants de l’air. Dans le secteur de l’acier et du fer, le respect de la directive IED coûte 90 millions d’euros/an mais permet une économie de 932 millions d’euros en termes de pollution.
- Déchets : En 2018, 5,2 tonnes de déchets par habitant a été générée dans l’UE. Le secteur de la construction est à l’origine de 36% des déchets, suivi par le secteur minier et les carrières (26%), l’industrie de transformation (11%), les déchets et services d’eau (8%), et enfin les ménages (8%). La responsabilité élargie du producteur – ERP en français – est l’une des solutions pour appliquer le principe pollueur-payeur, tandis que des objectifs contraignants sont fixés aux Etats, par exemple en matière de recyclage ou réutilisation des déchets municipaux.
- Eaux : la Directive-cadre sur l’eau est le cadre règlementaire de l’UE, applicable aux Etats, qui fixe diverses règles. En 2017, l’agriculture/foresterie/pêche est de loin le secteur qui consomme le plus d’eau, soit 58%. Bien qu’ils ne consomment que 10% de l’eau, les ménages supportent la grande majorité des coûts de fourniture d’eau et d’assainissement. En France, en 2011, les coûts supplémentaires pour les ménages engendrés par la pollution agricole s’élevaient à 494 euros/an/foyer pour les zones les plus touchées.
- Sols : Les sols sont le parent pauvre de la politique environnementale de l’UE. Leur dépollution a des coûts gigantesques, et la tentation est grande de laisser les pollutions péricliter longtemps à l’image de la France qui compte de sites historiquement pollués encore en déshérence. Le vide juridique lié à la disparition des entités responsables des pollutions rend bien souvent le principe pollueur-payeur inopérant.
- Directive sur la Responsabilité environnementale : les concepts flous de ce texte tels que « dommages environnementaux » ou « gravité », qui est sensé mettre en œuvre le principe pollueur-payeur n’aident pas à son application. Il vise à couvrir des dommages aux espèces protégés/habitats naturels, à l’eau et aux terres. 7 Etats membres exigent une sécurité financière (assurance, contribution à un fond environnemental, garantie bancaire, réserve, etc.) pour certaines ou toutes les responsabilités environnementales: République tchèque, Irlande, Espagne, Italie, Pologne, Portugal et Slovaquie.
- L’UE finance des opérations de dépollution/remédiation, ainsi que des projets qui auraient normalement dus être à la charge du pollueur, mais que les autorités publiques n’ont pas sanctionnés.
Les pistes d’amélioration
- Evaluer l’opportunité de mieux intégrer le principe pollueur-payeur dans la règlementation (baisse des limites d’émission, ciblage des pollutions diffuses des eaux)
- Renforcer l’application de la Directive sur la Responsabilité Environnementale , via une définition plus précise des « dommages environnementaux » et davantage d’instruments de sécurité financière pour éviter au contribuable de payer en cas d’insolvabilité du pollueur.
- Eviter que les fonds européens ne servent à financer des coûts devant normalement être à la charge du pollueur, en s’assurant que les autorités ont agi pour réclamer les fonds au pollueur, et utiliser des garanties financières des risques environnementaux par les opérateurs.
En savoir plus :
European Court of auditors, Special Report 12/2021: The Polluter Pays Principle: Inconsistent application across EU environmental policies and actions, July 5th, https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=58811