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Quand le vernis craque: l’Anses a expertisé l’exposition des professionnelles de l’onglerie aux substances chimiques

Quand le vernis craque: l’Anses a expertisé l’exposition des professionnelles de l’onglerie aux substances chimiques

Se vernir les ongles: un geste anodin pour de nombreuses femmes, qui peut pour certaines faire partie d’une « routine beauté ». Est-ce pour autant un geste anodin pour la santé? La question se pose pour les consommateurs, et surtout pour les professionnels. Le secteur est en effet particulièrement concerné par les expositions aux substances chimiques. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a rendu le 23 novembre une expertise sur le sujet: elle confirme que la profession est exposée à un grand nombre de substances, dont certaines sont dangereuses. Elle émet également une série de recommandations pour améliorer leur sécurité.

Le secteur de l’onglerie : état des lieux

L’Agence recense 4739 prothésistes ongulaires en France à la date du 30 janvier 2015, mais cette activité est en très forte croissance. De nombreuses esthéticiennes exercent également des soins et décoration de l’ongle. Le métier s’exerce dans des locaux dédiés ou à domicile. La population est majoritairement féminine, et a entre 18 et 35 ans. Sur le terrain, il a été constaté que des professionnelles maîtrisent mal la langue française, ce qui ne facilite pas la compréhension des messages de prévention. Il n’existe pas de formation diplômante pour la profession. Les structures sont de de petite taille avec maximum 5 personnes. Les visites sur place et les auditions montrent une faible présence d’équipements de protection.

Les substances utilisées

Selon l’Anses, environ 700 substances sont présentes dans les produits utilisés ou les atmosphères de travail: on peut véritablement parler d’effet cocktail! 60 substances sur ces 700 sont jugées préoccupantes: CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique), sensibilisante ou potentiel perturbateur endocrinien.

  • Les grandes familles de substances sont les suivantes: (méth)acrylates, phtalates, parabènes, cétones, alédhydes, alcanes, alcools aromatiques, siloxanes, dérivés chlorés, amines aromatiques, dérivés benzéniques, terpènes, composés inorganiques, peroxydes, dérivés phosphorés, amides, dérivés d’acides, résines.
  • 2 substances: le DPB (phtalate de dibutyle) et le n-hexane sont interdites dans les produits cosmétiques. Le DBP est reprotoxique.
  • Le toluène est interdit dans les cosmétiques, sauf les produits d’onglerie: il est reprotoxique.
  • 90 autres substances sont jugées préoccupantes. Le formaldéhyde, le peroxyde de benzoyle et le dioxyde de titane sont respectivement cancérogène reconnu, possible et suspecté.
  • Certaines substances n’ont pas encore de classement harmonisé pour la sensibilisation selon le règlement CLP (règlement européen sur la classification): le 2-cyanoacrylate d’éthyle est signalé par des médecins auditionnés comme provoquant une sensibilisation cutanée, et mentionné dans le tableau des maladies professionnelles sur les rhinites et asthmes professionnels.

L’exposition et les pathologies liées

  • Ce sont les produits tels que le gel ou la résine qui contiennent des monomères méthacryliques potentiellement sensibilisants, irritants et neurotoxiques. Les solvants et diluants peuvent avoir des propriétés voisines.
  • Dans l’air, les COV (composés organiques volatils) ou composés semi-volatils présents sont présents en faibles concentration, chacun en-dessous des valeurs limites, mais ils sont très variés: on a pu trouver 42 substances sur le même lieu de travail.
  • Les particules de poussières liée au ponçage de l’ongle et des résines sont également à prendre en compte.
  • Les données de surveillance des pathologies de la profession sont limitées. Les plus courantes sont: les affections cutanées (dermatites allergiques de contact), les affections des voies respiratoires et ORL (asthme), les maux de tête, les troubles musculo-squelettiques liées à des postures assises prolongées et des gestes répétitifs de la main, du poignet ou de l’avant-bras. Les (méth)acrylates sont responsables de plus de 50% des pathologies.

Les mesures de prévention

La ventilation, la présence de table aspirante, le port de gants et de masques sont les mesures de protection qui sont préconisées. La petite taille des locaux (moins de 30 m2, parfois jusqu’à 5 m2) favorise la concentration des particules. Peu de professionnels mettent en oeuvre les protections. Aucun sur ceux recensés ne possède de table aspirante avec système de filtration.
Les masques chirurgicaux évitent la transmission des germes, mais ne permettent pas d’éviter les vapeurs et les particules fines. Les masques à poussière évitent l’inhalation de particules fines. Le port de gants de protection est difficile, et la manipulation de solvants peut dégrader la matière de certains gants de protection.

Les principales recommandations de l’Anses

  • Supprimer les « monomères (méth)acryliques polymérisables au poste de travail en raison des propriétés toxiques, risques liés à l’usage de ces produits et augmentations de cas de dermatites allergiques de contact liées;
  • Substituer l’acétaldéhyde (classé Cancérogène 1B) par une substance moins dangereuse, supprimer le toluène dans les produits ongulaires.
  • Faire évaluer systématiquement les risques des professionnels par le SCCS (comité scientifique de la sécurité des consommateurs) de la Commission européenne lors d’évaluations des ingrédients cosmétiques;
  • Pour les professionnels, l’installation de tables aspirantes, le port d’un masque anti-poussières/gaz/vapeurs, le port de gants en nitrile, le stockage de produits neufs dans un espace dédié, clos et séparé des lieux de repas, la mise en poubelle de tous les déchets avec un couvercle à fermeture automatique, sont notamment recommandés.

Sources :