Skip to main content
account_balance Politique - justice Santé-environnement

France : après 2 ans de ministère, Ségolène Royal publie un bilan & des perspectives

France : après 2 ans de ministère, Ségolène Royal publie un bilan & des perspectives

La ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer Ségolène Royal a publié ce 6 avril un bilan deux ans après son entrée en fonction, listant les principales réalisations – dont une majorité vise la mise en œuvre d’actions prévues par des textes législatifs – et les réalisations à venir pour l’année 2016. Des thèmes majeurs tels que la transition énergétique, la biodiversité, la croissance verte et la santé environnementale sont abordés. Le changement climatique y tient une place importante puisque la ministre est en charge des relations internationales sur le climat dans le cadre de la COP22 (organisée au Maroc en novembre prochain), succédant au ministre des affaires étrangères qui occupait cette fonction lors de la COP21 à Paris en décembre 2015. Nesting examine ses mesures et vous livre ses impressions.

En route pour la transition énergétique ?

Différentes mesures sont mises en œuvre ou en cours de mise en œuvre. 153 territoires à énergie positive ont été lancés via des appels à projets (septembre 2014). En matière de rénovation énergétique pour les particuliers, on peut noter un doublement du crédit d’impôt et une réforme de l’éco-prêt à taux zéro, les deux étant cumulables depuis le 1er mars 2016. Un programme de routes à énergie positive, lancé pendant la COP21 prévoit la création de 5000 km de routes solaires, et également de parkings solaires. A Brest, un projet de téléphérique urbain est lancé, tandis que des bus électriques sont déployés en région parisienne et que des lignes de tramways supplémentaires sont créées (Grenoble, Toulouse, Montpellier par exemple). Les appels d’offres pour soutenir les énergies renouvelables (solaire, éolien, méthanisation, hydraulique, réseaux de chaleur) se poursuivent.

Compteurs Linky et communicants : ondes, big data et (incertaines économies)

Ne sont pas mentionnés ici les « compteurs communicants » – Linky pour l’électricité et bientôt pour le gaz – obligatoires d’ici peu pour les particuliers. La philosophie appliquée est « mesurer pour consommer moins », mais est-ce vraiment aussi simple ? On entre surtout dans l’ère du big data, où le citoyen, considéré comme un consommateur voit toutes ses actions transmises en direct à des opérateurs qui se feront un plaisir de les utiliser à des fins commerciales. Et mesurer des données de consommation personnelles transmises en direct à des opérateurs, à l’aide de nombreuses bornes communicantes qui s’ajoutent aux sources de rayonnements électromagnétiques déjà omniprésentes dans notre environnement. Ces installations ont également un coût. Une mesure ne signifie pas nécessairement une économie : des systèmes de mesure de chauffage individuel installés sur des radiateurs dans un immeuble à chauffage collectif par exemple, ont un coût d’installation et ne présagent en rien du fait que les factures vont baisser. Quid d’ailleurs des revalorisations des tarifs du gaz et de l’électricité qui péseront sur les citoyens ?

Lutte contre les gaspillages, poursuite du recyclage et réduction des déchets

Mesure emblématique : à partir du 1er juillet prochain, les sacs plastique à usage unique disparaîtront de notre quotidien. Une mesure qui n’a que trop tardé, quand on connaît l’impact des plastiques et des microplastiques qu’on retrouve dans les écosystèmes marins ou qui parsèment diverses zones du territoire national et au-delà. Depuis février, une loi oblige les distributeurs de produits alimentaires à passer des contrats avec des associations caritatives : un pas important dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, autre plaie de nos sociétés dites « modernes » alors que malnutrition, famine et carences alimentaires restent d’actualité pour d’autres encore trop nombreux. Des objectifs de réduction des quantités de déchets produits sont fixés pour 2020-2025, qu’il s’agisse des déchets ménagers, de la collecte des déchets alimentaire ou encore de l’obsolescence programmée. Ces objectifs sont louables, reste la mise en œuvre qui peut poser problème dans des collectivités locales qui tâtonnent pour trouver des solutions pratiques. On peut s’interroger sur l’objectif de « deux fois moins de déchets mis en décharge en 2025 », quand on sait que des lieux de dépose sauvage continuent à exister : quelle alternative est proposée ?

Biodiversité : une « nouvelle harmonie entre l’homme et la nature »

En toute modestie, la loi pour la « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » (noter le terme conquête et son lexique guerrier qui pourrait prêter à confusion) vise à bâtir une nouvelle harmonie entre l’homme et la nature. On ne peut que le souhaiter, mais le premier continue inlassablement à grignoter le territoire de la seconde, ce qui n’augure rien de bon ! Qui ne voit, en milieu urbain, où la nature est bien souvent une grande absente, les lotissements et promoteurs immobiliers se saisir de toute parcelle disponible ? L’exemple de l’agglomération annemassienne, en Haute-Savoie est frappant : sur des zones déjà saturées en bitume, poussent des immeubles de 5 ou 6 étages à la place de maisons individuelles et pavillons, grignotent lentement mais sûrement les dernières zones d’espaces verts ? La ville de demain ressemblera t-à un bloc de béton ? C’est en tout cas ce qu’ont défendu les sénateurs en juillet 2016 lors d’une lecture de la loi en supprimant la mesure d’installation de toitures végétales… mesure qui a pourtant fait ses preuves chez nos voisins d’outre-Rhin ou helvétiques.

En outre, des mesures de protection des milieux sont annoncés : l’échec du plan Ecophyto 2018 (géré également par le ministère de l’agriculture débouche sur un nouveau plan Ecophyto (comprenez « pesticides »). 1000 captages d’eau prioritaires sont identifiés et feront l’objet de protection renforcée. Sargasses aux Antilles, algues vertes sur le littoral hexagonal, protection des récifs coralliens, renforcement des zones marines protégées, etc. sont aussi au menu. Divers projets concernent également les parcs nationaux ou régionaux existants ou leur renforcement. Les métiers du paysage devraient générer quelques 150 000 emplois, pour un marché de 10 milliards d’euros.

L’Agence nationale de la Biodiversité a été créée : on lui souhaite du courage et de la ténacité.

Qualité de l’eau et de l’air

Le pic de pollution fait maintenant partie de notre vocabulaire courant. D’ailleurs notre air extérieur est en réalité pollué en permanence, qu’il s’agisse de particules fines émises par les véhicules ou d’autres composés. Des mesures favorisant des véhicules électriques sont donc mises en œuvre, ainsi qu’un rapprochement de la fiscalité du diesel et de l’essence. Après avoir incité les populations à acheter des véhicules diesel, l’Etat s’engage donc en 2016 vers une taxation accrue de ce carburant, qui a également l’intérêt de promettre des rentrées d’argent dans les caisses. Un retard de plus de 30 ans pour la France, puisqu’un rapport de 1983 soulignait déjà les effets néfastes du diesel sur la santé, recommandant de ne pas augmenter le parc automobile diesel. Les gaz d’échappement des moteurs diesel sont classés cancérogène avéré pour l’être humain (1) par le CIRC (Organisation Mondiale de la santé) tandis que les gaz d’échappement des moteurs essence sont eux classés comme cancérogènes possibles (2B).

On cherchera pourtant en vain dans ces mesures la volonté au moins affichée de réduire à la source les pollutions liées aux véhicules à moteur par exemple, non pas en taxant, mais en proposant des plans pour des emplois localisés plus proches des lieux de vie, réduisant ainsi les besoins en déplacement. Dans de nombreuses régions, la voiture reste parfois le seul moyen de rejoindre son lieu de travail, sans oublier que les réseaux de transport collectif sont eux-mêmes saturés.